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Word & videoshoot : Nos Primavera Sound 2014

today13/06/2014 29

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Nos Primavera Sound 2014, 5 au 7 juin 2014, Porto, par Nicolas D.

Cette troisième édition du Primavera à Porto (la deuxième pour moi), anciennement baptisé Optimus Primavera Sound et dont le nom a été modifié à cause du changement d’appellation de la marque de téléphonie pour Nos, a de quoi surprendre. Effectivement, l’affiche, un peu moins aguichante à première vue que celle de l’année dernière, n’en était pas pour autant à la baisse en termes d’audace. Un fait notable : la programmation d’artistes locaux ou lusophones. Toujours étalée sur trois jours, cette programmation nous a fait alterner un premier jour un peu morose avec deux autres où les propositions s’enchaînaient à un rythme effréné jusqu’au petit matin, avec une ouverture musicale importante, comme on pourra le voir plus bas. Il y avait de tout, du très bon, du moins bon, du très pop, et de la merde en barre aussi. Comme quoi il faut vraiment de tout. Certes, ma merde n’a sûrement pas le même goût que celle d’une jeune adolescente venue voir ses idoles, ça reste indéniable. Quoiqu’il en soit, les 70 000 personnes venues au festival ont eu de quoi voir, boire, et donc manger. Notons tout de même ici l’excellente gestion de cette vague de public sur trois jours, où on n’a guère l’impression d’attendre, et ce même au bar, chose rare. La convivialité et la bienveillance portugaises étaient bien au rendez-vous, tout était fluide. Je vais tenter d’être exhaustif, tout en évitant le report chronologique.

Est-ce avec les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe ?

Un des phénomènes de festival des années 2000, c’est bien le retour des groupes des années 70-80 autour d’un revival des souvenirs d’écoute des anciens jeunes (dont je fais un peu partie). Figure imposée, à la fois esthétique (pour voir les figures influentes des « nouvelles scènes ») et économique (ce sont entre autres ces têtes d’affiches qui attirent du monde, ou, si le groupe n’a plus trop le vent en poupe, cela permet à la fois de surfer sur cette vague rétro, tout en permettant au musicien sur le retour de payer ses dettes accumulées pendant les années de disette).

Ici, nous avons eu le droit aux Pixies, qui célèbrent leur retour avec l’album (très mitigé) EP1 que le groupe s’est quand même attelé à défendre alors même le public allègrement massé devant la scène n’attendait que des vieux titres… Voeu qu’ils ont effectivement exaucé avec brio, avec un Frank Black particulièrement en voix et donnant de sa personne ou encore le guitariste Joey Santiago faisant son guitar hero… avec un solo de Jack ! Les titres les plus connus y passèrent, le public se déchaîna jusqu’à slammer, chose particulièrement rare lors du festival, ou à chanter en chœur, comme sur l’ultime Where Is My Mind, véritable hymne du groupe.

Dans la même série des retours, soulignons la présence du groupe culte de noise-psych-rock Loop avec Robert Hampson à la guitare et au chant. Le trio (sur la scène ATP, qui possédait la programmation la plus intéressante), a produit un rock lourd, lent, proto-stoner délectable, puissant et halluciné, avec un son des plus impressionnants. Dans le genre come backSlint, les ancêtres du croisement entre post-rock et spoken word, nous ont offert un beau live. Aucune prétention, un son incisif et une batterie précise, les morceaux s’enchaînent avec élégance.

Puisque l’on parle de post-rock, je retiendrais surtout le live de Godspeed You! Black Emperor, dont la musique s’imagine mal dans le cadre d’un festival… Avis totalement infondé lorsqu’on entend l’énergie qu’ils parviennent à dégager lors de l’hypnotique Mladlic (précédé d’une intro de drone électronique/violon/contrebasse de vingt minutes !). Leur vidéaste est également de la partie, et les visuels projetés sur pellicule semblent dans le prolongement de leur dernier disque, ce qui ne les empêche pas de jouer un morceau plus ancien comme Moya.

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Les vétérans du rock Television étaient aussi de la fête avec l’interprétation intégrale de leur album Marquee Moon. C’était propre, bien joué, les musiciens étaient heureux d’être là et de rejouer cet album de plus de 35 ans, mais n’étant pas spécialement nostalgique de ce groupe, je ne pus réellement goûter aux joies de voir la revisite de leur premier album.

Je fus par contre agréablement surpris de découvrir en live les comparses de My Bloody Valentine et Jesus & The Mary Chain, à savoir le groupe Slowdive, les malaimés de la scène shoegaze – un rock sincère, sans fioritures, avait une certaine lourdeur, l’expérience d’une vie pas évidente assez touchante, et un son à rendre jaloux tous les petits pseudo-groupes actuels de rock psyché de boutonneux taiseux approximatifs. Autre génération avec le chanteur Caetano Veloso, figure (qui m’était certes inconnue) de la scène brésilienne. Le public est à son aise en cette fin d’après-midi, reprenant ses refrains. On peut également remarquer un effort pour sonner un peu plus moderne que les accords syncopés auxquels on s’attend en mentionnant la bossa.

Toujours du côté des « vétérans » notons un intrus : Charles Bradley. Physique de vieux chanteur de funk/soul (qui se changeant au moins deux fois lors de son set), dans la droite lignée des Al Green, Marvin Gaye ou encore de son idole James Brown. Sa voix est marquée mais le chanteur entouré de musiciens talentueux assure vocalement et scéniquement, même s’il n’en est en fait qu’à son deuxième album (avant, c’était un cuisinier rêvant d’être une sex-machine et qui a longtemps écumé les petites scènes new-yorkaises). Loin d’être ridicule, son énergie est communicative et le public n’hésite pas à se dandiner au son de la funk. On notera le moment où il demande à son jeune batteur s’il veut faire un solo après une plage suave et toute en retenue, ce dernier hochant la tête pour lui signifier qu’il ne sait pas trop quoi faire à ce moment-là, Bradley lui lâchant alors un « stop » qui met fin au morceau ! Un set généreux qui éclipsera d’autres têtes d’affiches quelque peu décevantes (The NationalMogwai…). Cette surprise ne fut pas le seul coup de cœur du festival.

On retrouvera dans cette catégorie les indéboulonnables (quoiqu’un peu prévisibles maintenant…) Shellac, abonnés du Primavera. Live toujours puissant, électrique, où chaque parole d’Albini semble faire partie d’un show bien rodé, mais son énergie fait oublier ce léger bémol. Le live de Kendrick Lamar, jeune prodige de la scène hip-hop actuelle, a mis le feu au poudre. Accompagné de son groupe (claviers, basse, batterie, guitare) pour un live bien plus énergique que sur disque, son jeu de scène est marqué par une assurance dingue, surtout quand on connaît l’âge de ce jeunot. Le public était venu pour lui lors du premier jour de festival et a volé la vedette à de nombreux autres groupes du festival. Dans les grosses déceptions, je noterais Mogwai, qui n’a pas réussi à me toucher. La distance par rapport à la scène empêche-t-elle de rentrer dedans ? Ou a contrario, être près induit-il de ressentir l’énergie du groupe et les basses qui prennent au corps de manière optimale ? The National vu de près me confirme que ce n’est pas le cas, je me suis fait autant chier au bout de deux morceaux. Du côté de la gente féminine, assez bien représentée également, la hype de Sky Feirera (qui avait son lot de jeunes fans) me désorienta au plus haut point. Alors que les adolescent(e)s y voyaient la représentante de la nouvelle génération, je n’y distinguais qu’une pisseuse désabusée amateur chantant très faux, totalement empotée sur scène. Un point positif ? Avoir réussi à fédérer la majorité du public autour des différents bars. Haim était aussi assez fade, et le set de Warpaint me laissa de marbre, malgré la reprise un peu intéressante du Ashes to Ashes de Bowie. Dans le même lot, on peut ajouter la perplexité laissée par les Dum Dum Girls – le souvenir que j’avais d’elles était qu’elles produisaient un garage assez sympathique… Les trois guitares (dont un homme intrus) qui jouaient la même chose n’apportent en fait rien à cette soupe qui a l’air d’être la nouvelle direction prise depuis.

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Le renouveau pop me laisserait-il de marbre ? Serais-je devenu un vieux con ? Je m’aventure au set de St Vincent (qui est venue taper le guest avec The National d’ailleurs) et reconnais en elle un véritable talent aussi bien scénique que guitaristique, bien que je ne sois pas friand de son électro-rock. Tout comme Jagwar Ma (dont la programmation électronique m’interpelle mais la voix me dérange), le rock country de Courtney Barnett m’ennuie, l’électro de fête foraine de Todd Terje m’amuse uniquement deux minutes comme un tour de manège, Trentmøller me parasite, John Wizzard ne m’envoûte pas, John Grant ne m’a garanti aucun frisson. J’ai 31 ans. La pop music semble m’emmerder en majorité. Midlake me le confirme. Neutral Milk Hotel ou encore !!! me font penser le contraire et me sauve un peu par l’énergie qu’ils déploient. Je me retrouve alors plus avec les groupes déjà vus comme Follakzoid (dont le set kraut-répétitif me fait bien voguer – encore plus que lors du BBMIX). Le set de Ty Segall en point d’orgue personnel du festival a été la catharsis de toute cette frustration. Énergie contagieuse de la fosse, je me retrouve à sauter partout au milieu des slams et à faire flageoler mes courbatures et ma joie de vivre. J’ai toujours 20 ans. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai préféré faire l’impasse sur Lee Ranaldo.

Je préfère penser à d’autres découvertes locales comme HHY and The Macumbas (légère frustration de n’avoir vu que la fin), groupe masqué et déguisé qui donne l’impression d’être un croisement entre Master Musicians of Bukkake et Sun Ra avec l’Arkestra, le rock instrumental très bien réalisé de Torto, dont les trois membres pourraient être votre dentiste ou votre pharmacien. L’avantage de ce festival est vraiment sa convivialité, et ce malgré sa taille (qui reste malgré tout bien moindre que nombre de festivals estivaux), on échange facilement avec des gens du public, (ou encore dans l’espace presse avec un sosie de Didier Bourdon qui semble être une star locale – ou du moins essaie de me le faire croire ? -…).

Le fait d’avoir vu autant de groupes provoque une certaine saturation, mais ce fut encore une fois une expérience enrichissante, qui n’apporta pas de réelle réponse sur mon rapport au live en festival ou encore à un goût/dégoût pour la pop. D’ailleurs, c’est quoi la pop ? Ce n’est pas le moment de s’endormir sur des questions aussi nazes, j’en ferais des cauchemars de Sky Fereira retrouvant ma trace et voulant m’énucléer. J’entends au loin, au moment de partir, le set de Cloud Nothings qui termine en apothéose sous la tente Pitchfork, sacré bordel. J’ai sommeil quand même, j’ai 31 ans.

Vidéos © Penny Green-Shard

Écrit par: Nicolas D.

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