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On y était : Festival Optimus Primavera Sound 2013

today03/07/2013 36

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 optimus

Festival Optimus Primavera Sound, du 30 mai au 01 juin 2013 – revisiter sa nostalgie du (no) futur.

Certes, on sait qu’il y a plus de choses au Primavera de Barcelone, que tous les groupes y passent, qu’il y a plus de scènes, plus de monde, d’effervescence, plus de monde, plus de monde et plus de monde. Pourquoi aller au Portugal, cette contrée lointaine qui semble proposer un Primavera bis avec moins de scènes et moins de groupes ? Et bien justement. Parce qu’on n’a que deux oreilles, qu’une paire de jambes et qu’une courte espérance de vie…  et qu’au final, ce dernier n’a rien à envier à son grand frère boulimique. Non seulement le Portugal est une destination des plus intéressantes mais en plus Porto se révèle être le nouvel eldorado sud-européen en terme de festivals. En plus il y a moins de monde, moins de monde, moins de monde qu’à Barcelone…

Jour 1

breeders

Après avoir récupéré le pass presse vers 18h, je file voir Guadalupe Plata, un genre de Jon Spencer Blues Explosion espagnol qui se donne à fond et chauffe les premiers arrivés, affairés à se rassasier et à prendre d’assaut les multiples goodies comme les rabanes et autres sacs/nappes pour s’asseoir – ce qui en soit n’est pas idiot, le festival a lieu dans un grand parc vallonné avec la possibilité de se mettre en retrait, en surplombant les scènes pour mieux voir, le tout  en profitant de la brise marine alors que le beau temps était omniprésent. Quelques rangs de fosse se sont gentiment constitués et soutiennent timidement le groupe. On passera rapidement sur Merchandise, qui m’a fait un drôle d’effet, en en usant justement énormément – d’effets éculés comme le flanger, imaginez un peu ! J’entends au loin Wild Nothing, comme si c’était filtré dans un certain liquide, l’ambiance éthérée de quelqu’un passant le disque dans une chambre à côté – souvenir juvénile… Après ce moment hypnagogique, les Breeders entament leur album culte Last Splash. Les membres initiaux sont présents, ce qui confère une certaine sensation que je ne saurais encore définir. Après quelques minutes – un ou deux morceaux – le son commence à se faire, l’écoute aussi et finalement la complicité prend entre le groupe et son public. Ce qui est étonnant c’est de voir l’évolution depuis les années 90 où les Breeders avaient la réputation de ne pas être de bons musiciens. À force d’être considérés ainsi, on finit par être bon, car le set se poursuit sans encombre, tout semble carré et généreux. Comme quoi avec l’âge…

Au loin, Dead Can Dance. Quelques belles images sont projetées sur l’écran, Brendan Perry, avec son bouzouki et la poursuite l’éclairant exclusivement, laisse parfois dans l’obscurité les choristes et la chanteuse Lisa Gerrard. Un beau light-show et une ambiance médiévale attirent le néophyte désintéressé que j’étais suivant distraitement le concert, histoire d’attendre Nick Cave and the Bad Seeds. Encore une icône des années 80 ? Ce sentiment étrange qui commençait à poindre durant les Breeders se fait plus pressant : cette nostalgie est-elle le signe d’une pénurie de nouveaux groupes fédérateurs ? Ou, plus prosaïquement, c’est ce qui attire la foule plutôt que lesdits jeunes groupes ? Manque de prise de risque général des organisateurs ou des auditeurs ? On aura un élément de réponse un peu plus loin – avec l’excellent show de Metz notamment. Toujours est-il que ces vieux groupes me font prendre, contrairement à ce que je pensais, un début de réel plaisir.

nick
De Nick Cave, déjà vu en concert, je ne m’attendais pas à grand chose, ayant moyennement apprécié son dernier disque un peu trop mou – surtout après avoir fait Grinderman affublé de son compère Warren Ellis. Mais finalement, les deux batteries + Cage & Ellis s’associent au reste du groupe pour foutre une déculottée de classe à tout le festival, tous groupes confondus. Se la racontant rock star à la Elvis, prenant un bain de foule et faisant des fuck à un Anglais bourré du public – qui lui demande de s’approcher en l’insultant -, Cave habite toute la scène aux côtés d’un Mick Harvey discret mais souriant et un Warren Ellis en pleine hallucination (théâtrale ou pas, on a envie d’y croire). Des vieux titres y passent, tout comme les nouveaux, mais le moment fort se fera sur Stager Lee avec des montées bruitistes… Mr Motherfucker, you know who I am… Le show se termine sur un rappel du titre éponyme du dernier album, Push the Sky Away mettant fin à l’un des meilleurs concerts du festival.

Difficile de redescendre, surtout quand on voit comment se démènent les pauvres Deerhunter, qui semblent encore plus se faire chier que le public présent. Des fans français de la première heure me font part de leur désarroi et dégoût, au moment où un début de larsen, très aigu, montre un peu les capacités du groupe à… ah non, ils ont tout coupé, ils s’en foutent bien de montrer quoique ce soit. Ça sent le split…

M’apprêtant à plier les gaules, je me laisse surprendre par James Blake, jeune éphèbe de ces dames. Certes, il y a une certaine présence de phéromones dans l’air, des cris aigus retentissant à chaque fois qu’il singe Chris Isaak… Mais son dubstep 2.0 exécuté en trio me laisse pantois, tandis que les boucles et les grosses basses font vibrer aussi bien mon estomac que le gazon du Parque Da Cidade. Une attention quasi-religieuse du public crée une indéniable qualité d’écoute individuelle – les scènes d’hystérie collective étant assez rares… Il devait y avoir environ 15 000 personnes, chiffre doublé le lendemain.

Jour 2

swans

18h30 le groupe lourd et subtil OM, section rythmique de feu Sleep, accompagné de Lichens – déjà présent sur le dernier disque. Dès les premières vibrations subsoniques de la basse d’Al Cisneros, le sol se met à vibrer, à moins que ce ne soit mes os. Les breaks complexes de batterie et les rythmiques alambiquées du groupe confèrent une très grosse impression de cohésion – dans le public également, qui headbangue au ralenti -, la voix grave faisant sonner l’ensemble tel du Melvins désertique et aride, lentissime, avec la présence indispensable du sorcier Lichens, assis sur le côté où son synthé et ses guitares lancent des drones hallucinogènes. Cette dose de sludge chamanique requinque et donne suffisamment de force pour la suite.

Vient ensuite Daniel Johnston sur cette même scène, flanqué d’un groupe de jeunots pas très carrés – encore moins que lui, c’est dire. Derrière son pupitre, il inspire à la fois de la tendresse – en dehors de sa bonhomie, il me fait physiquement penser à ma grand-mère -, et de la gêne. Je ne sais comment considérer sa performance, où il semble mal à l’aise, d’autant que des problèmes de sons le perturbent. Il transpire… soupire… faisant tout de même preuve de générosité en interprétant à la demande du public le titre Speeding Motorcycle – que le groupe ne semble pas connaître. N’en pouvant plus, je m’éclipse me demandant si, pour lui qui semble plus fragile que jamais, la vraie souffrance n’est pas celle-ci… On me racontera que True Love Will Find You in the End en rappel fut beau à en chialer, tant pis pour moi.

Moment de grâce du jour, le concert tant attendu des Swans. La déflagration n’aura pas été des moindres : le groupe, avec son mur d’amplis, joue extrêmement fort – j’ai bien dit extrêmement. Michael Gira arrive, salue sobrement – MAIS sévèrement – le public, jetant directement un froid glacial, les premiers accords de To Be Kind résonnant. On en prend plein la gueule pendant une heure, des gens ne tenant pas le coup s’évadent tandis que d’autres sont bloqués sur place, magnétisés. Là où le son des Swans est passé, l’herbe n’a pas repoussé.

glass

Petit détour devant Grizzly Bear, avec un joli set psyché, puis l’Aixoise Melody Echo Chamber semble se plaire à jouer sur scène (à côté du stand de whisky qui retiendra en partie mon attention). Les Shellac dégoisent et restent à la hauteur de leur réputation, à la fois lourds et denses, entrecoupant leur set de blagues… « Hey vous étiez au concert des Swans ? C’était une super claque, parfait pour organiser une diner party chez soi », voilà comment commence le concert de Metz. On est donc raccord. L’attitude est punk, ça slam, ça saute, ça pogote de partout, l’énergie du groupe est on ne peut plus contagieuse. Tel un Aroun Tazief perché sur son volcan, la chaleur rebute mais l’énergie du groupe exerce une hypnose sulfurique. Je voyage dans le temps et j’assiste à un concert des débuts de Nirvana que, comme vous – ne mentez pas – je n’ai jamais vu sur scène. De diner party avec OM en entrée et Swans en plat principal, le dessert se prend en pleine tronche ! Le public scande Metz ! Metz ! Metz !

Au tour de Blur, et concomitamment Do May Say Think. Les festivals, c’est toujours des choix entre le cœur et la raison… Je me fais le début des seconds sans vergogne profitant de leur post-rock enrichi de cuivres et repensant à tous les groupes que je voulais voir, sans succès (Four Tets, Meat Puppets, Hot Snakes…). Blur débute par ses tubes les plus enlevés (Boys & Girls et consort), peut-être devrais-je y faire un tour… Une marée humaine recouvre la quasi-totalité de l’espace, comme si tout le festival y était. J’ai l’impression d’assister au concert que d’autres gens regardent, j’observe les gens observer mais je n’arrive pas à y prendre part. Le groupe enchaîne quelques chansons pop puis une ballade au piano, finissant de manière on ne peut plus prévisible avec Song 2… Concert en mode stade, Damon Albarn, à 45 balais, maîtrise totalement l’art de la foule et arrive à emporter son adhésion sans le moindre effort. Même si n’a pas le charisme de Nick Cave qui veut…

La fin de soirée électro nous emmènera de la petite chanteuse hystérique Ida No de Glass Candy – assez drôle en soi – qui criait, sûre de sa dance, pour finir du côté de la fameuse scène ATP en s’asseyant devant le show de Fuck Buttons, qui créent une musique électronique sophistiquée doublée de projections hallucinatoires. Le soleil se lève presque et après quelques incartades en taxi – feux rouges grillés, odeur de caoutchouc et boitier de vitesse bloqué en quatrième -, on admet que la journée fut riche en émotions.

Jour 3

dj

Dès l’entame, le passage est obligé au concert des Dinosaur Jr, autre groupe légendaire présent lors de ce festival. Cette ribambelle de vieux groupes sur le retour ou en pré-retraite – ou sans retraite, c’est peut-être ça le réel problème – donne à ce Primavera des airs de parc d’attractions pour nostalgiques de leurs vieilles années, et ce dans un contexte où la notion de futur semble si hypothétique… Retour au présent, le trio envoie comme il se doit, n’ayant que faire de la « rétromanie » (cf. Retromania de Simon Reynolds). S’ensuit en passant The Sea and Cake avec un rock ultra conventionnel et des looks de profs de math. Liars enchaîne et surprend sur la grande scène avec une setlist mélangeant réinterprétation de leurs anciens morceaux et présentation des nouveaux. Cela s’annonce d’ores et déjà prometteur, avec des avancées plus électro et dansantes que le déroutant mais non moins excellent WIXIW.

Explosions in the Sky propose une prestation très lumineuse, blanche et chaude, avec un post-rock instrumental aérien et héroïque. Je m’éclipse de ce halo laiteux pour retrouver l’ambiance plus obscure de Nurse With Wound, autour de Steven Stapleton, pape de la drone ambient, alors que d’autres préféreront aller voir Savages défendant avec brio leur dernier disque. Drôle de coïncidence, je revois mon chaman Robert Lowe/Lichens sur scène aux côtés de Stapleton, Andrew Liles et d’autres que je n’identifie pas. Je m’attendais à être baigné dans un marasme sonore extrêmement puissant or, en l’occurrence, le volume est très faible. On peut donc s’approcher au maximum pour plonger corps et âme dans un set introspectif où la concentration est de mise. Quelques vagues de basses profondes traversent la pelouse du parc et on entend également le concert de Liars auquel l’ensemble des musiciens semble s’être accordé, rendant la superposition des deux concerts intégrée à leur processus. C’est une expérience assez déroutante et osée lors d’un festival où chaque groupe a tendance à surfer sur la vague  « on vous en met plein les yeux et plein les oreilles ». Le concert s’égraine ainsi jusqu’à la fin, me permettant d’assister au final des White Fence et de leur psyché rock de San Francisco bien rodé.

N’étant pas particulièrement adepte du dernier My Bloody Valentine, il faut dire que le professionnalisme du groupe fait le boulot. Les murs de guitares cristallisent les images glaciales et synthétiques projetées sur des écrans géants, enveloppant d’une aura fantomatique ensublimant les voix de Kevin Shields et Bilinda Butcher, toujours aussi classes. À noter l’apothéose de ce concert d’une heure quarante à l’occasion du fameux You Made Me Realize et son bruit blanc d’un bon quart d’heure, donnant une leçon de noise à dresser les poils sur tout le corps. L’un des concerts du festival, surtout pour un groupe que je sous-estimais – ou que je pensais surestimé plutôt. Le public est très complice du groupe, certains dansant, se frottant langoureusement, d’autres alternant roues et roulades au sol, synonymes de transe extatique. Avec regrets, j’en oublie Dan Deacon et Fucked Up, et assiste à un mix d’un DJ osant un Get Lucky… De quoi vouloir rester sur ma dernière impression avec MBV et rentrer, la tête pleine de moments incroyables. Porto, on se revoit l’année prochaine, je me trouve à nouveau empli de cette nostalgie du futur de l’édition 2014.

Report par Nicolas D.
Photos © Optimus Primavera Sound, Lino Silva, André Henriques, Tiago Martins / revisitées par hartzine

Écrit par: hartzine

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