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Alan Vega, Alex Chilton, Ben Vaughn – Cubist Blues

today20/02/2016 652

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Parfois, on oublie qu’Alan Vega s’appelle en réalité Boruch et qu’il sort toujours affublé de couvre-chefs déshonorants. Surtout quand il s’acoquine d’Alex Chilton et de Ben Vaughn pour réaliser ce que tout bonhomme qui se respecte voudrait faire du reste de sa vie : enregistrer un album de blues bien crados, boire et fumer. C’est de cette auguste et très respectable posture qu’est né Cubist Blues au cœur de l’hiver 1994. D’une nuit suintante, marquée du sceau du diable, forcément, New York a accouché d’un monstre blues difforme et fascinant.

Par définition, toute jam session convoque une part d’onanisme assumée mais l’éveil autoérotique que produit la seule écoute de Fat City, ses exclamations de jouissance incontrôlée sur une pulsation binaire constante et ultra stimulante, suffit à libérer la charge sexuelle du disque. Sauf qu’ici le sexe est dépiauté, réduit à son plus simple appareil, décharné ou squelettique, pour une sensation de puissance exhaustive, comme si le trio, à la limite de l’éviscération, s’était épuisé toute la nuit durant à se vider de sa substance, à décharger un blues séminal, vital.

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Cubist Blues, c’est également l’idée d’une avant-garde, du pari ambitieux de démonter tous les faux-sonores qui gravitent de près ou de loin autour du genre et d’en proposer une nouvelle grille de lecture, singulière, urbaine et décalée. À l’image du mouvement cubiste, la Sainte-Trinité Chilton-Vaughn-Vega redistribuent les cartes du blues, en modifient représentation et donc perception. Le voici déstructuré, trituré, torturé. On n’est pas si éloigné que ça de la démarche de l’éminent Tom Waits quand il s’attaque, la tête arrosée de confettis, à démanteler le tango de Tango Till They’re Sore, c’est-à-dire face à un mode complètement désaccordé pour appréhender l’orgie sonore poisseuse d’un groupe de désaxés émotionnels.

Et quelle orgie ! Lover Of Love est à écouter vautré dans un cendrier ou noyé dans un verre de whisky, avec son piano chancelant terriblement proche d’un bout du Parthenogenesis de Canned Heat, cette sorte de bœuf blues au long cours sorti de nulle part, cette transe lointaine qui lorgne vers le paradis bien réel d’une musique démoniaque et vibrante. Candyman a un truc viscéral incroyable, qui prend les tripes, joue avec avant de s’en aller et de poursuivre vers des cieux encore plus habités, des structures encore plus bancales. Vers The Werewolf, par exemple, au goût immodéré pour les larsens et à la ligne de synthé tendue, tapie dans l’ombre, prête à jaillir à tout instant. Et c’est cette haute tension qui fait le jeu de ce Cubist Blues sublime et disgracieux, auréolé d’indifférence à sa sortie, en plein âge d’or Sub Pop. On s’en fout, depuis l’hiver dernier, on peut compter sur Light In The Attic, gardien d’une culture enfumée de bas-fonds déglingués.

Audio

Tracklist

Alan Vega, Alex Chilton, Ben Vaughn – Cubist Blues (Light In The Attic, 04 décembre 2015)

01. Fat City
02. Fly Away
03. Freedom
04. Candyman
05. Come On Lord
06. Promised Land
07. Lover Of Love
08. Sister
09. Too Late
10. Do Not Do Not
11. The Werewolf
12. Dream Baby Revisited

Écrit par: Louise Bonnard

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