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On y était – Scout Niblett

today16/06/2010 42 4

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villagers-2-webPhotos © Emeline Ancel-Pirouelle pour Hartzine

Scout Niblett, Le Point Ephémère, Paris, 7 juin 2010

Lundi, 20h, je me presse pour atteindre le Point Ephémère à temps, slalomant entre les tentes pakistano-roumaines qui longent le canal et les odeurs de saucisse. Tout ça pour trouver la porte close. J’étais tellement impatiente de voir Scout Niblett que j’espérais secrètement sécher au moins une des deux premières parties. Peine perdue, on m’a attendue.

Puisqu’on a décidé de m’infliger en entier le supplice de l’attente, je me résigne à écouter attentivement la nouvelle signature Domino, Villagers. Qui devrait s’appeler Villager parce que j’ai bien vérifié, il était tout seul. Bref, sa folk est limpide et poignante et sa voix coule de source, mais je m’ennuie. Besoin d’électricité.

small-black-7-webL’excellent bassiste de Small Black va m’en donner, mais ses trois petits copains ne seront malheureusement pas assez convaincants pour que le temps me paraisse moins long. Un batteur qui brode sur une boîte à rythme sur tous les titres, il sert à quoi exactement ? Il est trop nul pour tenir le tempo ou il est là juste pour décorer ? Enfin je dois avouer qu’il vaut quand même mieux que ses deux acolytes tripoteurs de touches et de boutons dont les voix noyées dans un magma aussi évanescent que bruyant ne m’inspirent, euh, pas grand chose. Une autre fois peut-être ?

Enfin, elle est là. Alors que l’assistance se rue sur le bar, elle entre en scène à petits pas, discrètement, sans faire de bruit, avec sa parka et son sac à main. Elle a presque l’air perdue, cherche ses repères, trouve sa prise multiple, branche sa pédale. Elle est juste là, cette fille toute simple, dans ses sabots et son t-shirt informe, à côté de sa toute petite batterie sur laquelle son nom est inscrit à la craie. La scène, auparavant encombrée de multiples instruments, est désormais vide, comme dévastée. Plus d’artifice, on voit le décor, les trucs, la moquette qui aurait bien besoin d’un coup d’aspirateur. Elle n’a pas besoin de lumières ni de machine à fumée, Scout, elle vient comme elle est. Elle commence le concert comme elle est arrivée, sans un bruit, sans un cri, sans une apostrophe au public. Un Just Do It! poignant qui m’arrache une larme. Toute cette rage contenue dans ce petit corps et cette voix claire… Toute la salle retient son souffle, et la tension est palpable jusqu’à la dernière note, infime frontière entre le recueillement le plus total et le « Yeah ! » autosatisfait de soulagement poussé par Scout à la fin de chaque chanson. L’enthousiasme et le plaisir se lisent à chaque instant sur le sourire enfantin qui illumine son visage à la moindre interjection venue de la fosse. J’ai l’impression qu’elle a à la fois cinq et cent ans : elle s’amuse comme une gamine et pourtant son album est produit par le très sérieux Steve Albini, dinosaure du grunge s’il en est. Et le travail sans chichis de ce dernier sur The Calcination Of Scout Niblett reflète exactement ce que l’artiste offre sur scène : la musique à l’état pur et rien d’autre. Sa guitare saturée, sa voix transparente et la batterie primaire du moustachu Dan Wilson. Quand ils se lancent à corps perdus dans le sublime Cherry Cheek Bomb, c’est l’extase. Et quand Scout s’installe seule derrière la batterie pour un austère Your Beat Kicks Back Like Death, c’est de pire en pire. Je ne suis plus au Point Ephémère mais dans une église, et le dieu que j’idolâtre porte une jupe. On dirait que Scout savoure chaque moment avec délectation, qu’elle goûte chaque titre comme un bonbon amer, à la fois délicieux et difficile à avaler. On souffre tous avec elle, suspendu que l’on est à la petite moue boudeuse dont elle nous gratifie à plusieurs reprises. Une moue plus hargneuse que mignonne ; on ne veut pas prendre Scout dans nos bras, on veut qu’elle continue de nous torturer, qu’elle nous fasse trembler et qu’elle nous tire encore des larmes. Elle s’exécute, jouant les titres demandés par le public, avant de reprendre sa parka et son sac à main sous le bras après un dernier rappel et de s’en aller comme elle était venue. Elle est immense, cette petite bonne femme.

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Écrit par: Emeline Ancel-Pirouelle

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