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On y était – Festival Pantiero

today02/09/2011 54

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C’est peut-être en vieillissant qu’on commence à se dire que les festivals à taille très humaine sont un bonheur inestimable en comparaison avec toutes les boueuses usines à fun qui dominent le marché. Quoiqu’il en soit, dans le genre, le Pantiero est un spot estival idéal pour tout amateur de musique indé : une seule vraie scène, de la fausse pelouse, vue d’un côté sur le vieux Cannes et de l’autre sur la Croisette, le tout sur les terrasses du Palais. Dans un cadre pareil, même le plus mauvais band au monde passe comme un mojito.

Sauf La Femme, bien heureusement programmé en ouverture amuse-gueule du festival, qui nous pose devant un mystère : comment en est-on arrivé à une époque où un groupe qui sonne comme du Superbus pour Pute à Frange American Apparel parvient-il à se faire un nom et à envahir tous les festivals ? On n’a pas le temps de se poser vraiment la question puisque le live d’Action Beat enchaîne très vite, et leur noise-rock acrobatique et jouisseur nous ravage en moins de temps qu’il n’en faut pour l’entendre. Cette petite troupe d’Anglais chevelus en calebut’, assignée à la petite scène (c’est-à-dire dans le public, ce qui leur va très bien), forte de deux batteurs et d’on-ne-sait combien de guitaristes (on n’est pas arrivé à tous les voir) bouscule comme il faut un public cannois pas forcément accoutumé à la pratique du noise improvisé, jusqu’à un coup de théâtre final où le groupe tentera d’envahir la grande scène, unplugged, avant de s’en faire gentiment rejeter.

Ben oui, parce que maintenant on passe aux vraies têtes d’affiche. C’est Battles qui joue, les idoles indie-rock interplanétaires de 2011, anciennement connues pour leur math-rock très enlevé, et désormais matraquées dans les médias avec leur virage tropicalo-ludico-rock passablement irritant. Le show, entièrement consacré au dernier album, est on ne peut plus mis en scène, à un point qui laisse d’ailleurs peu de place à une vraie spontanéité, puisque le groupe a décidé de se munir de visuels pour pallier l’absence de tous les featurings vocaux qui font la valeur ajoutée de leur nouvelle formule. Ainsi défilent Gary Numan ou Matias Aguayo ou la chanteuse de Boredom sur des écrans géants en synchro parfaite, et on atteint un stade où on ne sait plus si c’est du lard ou du cochon, à la fois un peu béat devant la prouesse technique, et de l’autre côté indifférent envers la musique qu’elle sert – ils s’excuseront néanmoins de ne « pas jouer en sous-vêtements« . On sera bien reconnaissant envers Gablé pour injecter une bonne dose d’humour et de subversion sur la grande scène en clôture de cette première soirée. Le combo français déroute délicieusement un public de néophytes jusqu’à le confondre totalement avec ses micro-morceaux gadgets qui basculent de l’électro hardcore à des comptines de maternelle.

Le deuxième soir, on arrivera malheureusement sur les derniers instants du live de Suuns, dont le néo-krautrock monocorde semble pourtant bien amorcer les hostilités. Zombie Zombie enchaîne devant un public déjà rompu à la cause pour une prestation satisfaisante mais sans vraie surprise. Leurs réinterprétations des thèmes de John Carpenter, normalement irrésistibles, ne font monter la sauce qu’à moitié cette fois-ci, mais l’humeur estivale collective nous poussera à ne pas leur en tenir rigueur. On aura du mal à être aussi indulgent envers Blonde Redhead, qui semble avoir flanché complètement dans une indie-pop de salon bien proprette voire neuneu.

Forcément, le contraste est vertigineux avec les sulfureux shoegazers A Place To Bury Strangers, dont la popularité toujours grandissante les pousse visiblement à adopter des poses de guitar heroes un peu surfaites – mais après tout, n’en sont-ils pas ? Sur scène, le groupe de Brooklyn sonne davantage rock (la boîte à rythme est troquée contre une vraie batterie), et les distorsions sont dans l’ensemble moins offensives. Leurs tubes deviennent presque rockabilly dans le contexte live, et la tension perdure sur tout le set. On ne peut pas s’empêcher de sourire néanmoins lorsque le groupe se lance dans un final grandiloquent sur Oceans, tentative hypothétique mais en tout cas pompière d’imiter la célèbre « holocaust section » de You Made Me Realise par lequel My Bloody Valentine, grands frères patentés, terminent rituellement leurs sets.

On s’en voudra le troisième soir d’avoir loupé Publicist, mais on se rattrape sur le fameux projet de house ultraminimale made in Kompakt de The Field qui vient se décliner sur scène avec un batteur et un bassiste, quitte à parfois un peu saturer le mix. Inégal mais engageant, leur live témoigne d’un désir de sortir le son du Norvégien de l’opacité totale de ses productions à travers un set live plus accessible. Une formule qui se justifie lorsque leurs boucles décalées et obsédantes se voient décuplées par un jeu de batterie qui sort du format 4/4 et par une basse plus astucieuse, mais tout ne fait pas sens sur la longueur.

On passe ensuite aux vraies attractions électroniques qui réunissent ce soir deux fois plus de monde que les soirées précédentes. Tout d’abord Arnaud Rebotini, dont le set analogic-only (ses visuels ultra-geeks mais originaux viennent nous le rappeler constamment) ne ment pas : une heure d’électro-tech à tendance backroom EBM, bien des familles. On ne cherchera pas de mystère là-dedans, il n’y en a pas, mais ça fait du bien. Malheureusement, les choses s’enlaidissent radicalement avec l’arrivée de l’indécrottable Paul Kalkbrenner, visiblement perdu pour la société, enfin malheureusement pas pour toute la société, vu l’affluence de kids venus l’aduler avec leur iPhones. Son show, dénué de toute structure ou d’un semblant d’enchaînement, repose avant tout sur un jukebox de tubes pour la plupart insipides, balayés en moins de 3/4 minutes en général, et des visuels frôlant parfois le burlesque (un navire Paul K, la Fernsehturm en mode Tron Legacy – c’est comme si Justice se mettait à exhiber la Tour Eiffel pendant ses shows). Il incarne avant tout la barbarisation de la techno allemande, processus qui aura pris dix ans et qui atteint désormais son climax, ce qui reste néanmoins triste de la part d’un producteur dont les débuts n’étaient pas plus mauvais qu’un autre. Même un clubbeur M6 local déplorera à la sortie de la prestation : « Il est pas en forme Paul K« . La vérité sort de la bouche des enfants.

Pour la dernière salve, on commencera avec la shoegaze-house bourdonnante de Walls dont la formule live parvient par moments à faire jaillir un peu de la magie de leurs productions.

Le live de Gold Panda se révèlera assez vacancier, on a plutôt l’impression de voir un geek à capuche faire du Four Tet première génération (visuels inclus) quand il ne balance pas ses deux tubes consacrés, You et Quitters Raga. Le Danois Trentemøller, dont le dernier album amortissait un virage instrumental, semble s’être décidé à sortir les grands moyens sur scène : difficile de se rappeler qu’il s’agissait d’un producteur de techno nordique, on est face à un véritable blockbuster électro-rock qui aspire visiblement à la dimension de Massive Attack ou de LCD Soundsystem, un spectacle guère singulier, mais néanmoins prenant. En clôture, Nathan Fake, antithèse parfaite de l’ignoble pudding Kalkbrennerien de la veille, confirme une énième fois sa pertinence, sa force de frappe et sa créativité sur le long terme. Le prodige de Border Community neutralise la foule avec un enchaînement pieds et poings liés de tracks électroniques au BPM soutenu et à forte teneur mélodique, pour la plupart originaux, souvent terrifiants ou plus lumineux, terminant ces quatre soirées avec une empoigne revigorante.

Écrit par: Thomas Corlin

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