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Etienne Jaumet l’interview

today03/12/2014 146

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Etienne Jaumet

Il y a des interviews qui commencent mal. Revenu du travail sous la pluie. Juste le temps de me changer pour courir rue de Clignancourt et me rendre compte que j’ai oublié mon portable et que la batterie du dictaphone tourne de l’œil. Quelques jours après, c’est le MacBook qui m’abandonne… Heureusement pour moi, Etienne Jaumet est à l’heure. A travers la vitre du bar, je l’aperçois qui s’installe tranquillement sur une banquette – véritable personnage parmi la foule. Immanquable. Reconnaissable entre tous grâce, entre autres, à ces montures épaisses qu’il arbore comme un étendard. L’entretien démarre sans ambages sur le ton banal de la conversation.

Désolé, je suis à la bourre

Non, non, pas de problème. Je viens juste d’arriver.

J’ai beaucoup aimé Moderne Jungle.

Ce morceau-là, c’était un lâcher-prise. J’ai joué des notes presqu’au hasard. J’ai joué sur les textures, sur l’ambiance. Et puis il y a ce rythme quasi tribal, quasi africain. L’idée du solo de saxo est venue naturellement. Je me suis dit : « Est-ce que je peux coller des notes de saxo ? » J’ai joué un peu au hasard et toutes les notes marchaient, du coup je me suis laissé complètement aller, sans réfléchir. Le morceau a été enregistré en une seule prise. Quasiment tout l’album est comme ça. J’ai fait une prise pour toute l’instrumentation et après, j’ai ajouté le saxo. Deux prises, donc. Mais tout l’album a été fait comme ça. En une après-midi. Un morceau par après-midi. J’arrivais le matin. Fin de matinée, je commençais à brancher mes instruments, à trouver un groove et après, hop, dès qu’il y avait quelque chose qui me plaisait, je l’enregistrais et le morceau était terminé à la fin de la soirée. Quitte à ajouter un truc plus tard si je trouvais que ça manquait – comme le saxo sur Moderne Jungle ou la voix sur d’autres morceaux. Mais les trois-quarts étaient déjà faits. L’idée derrière, c’était de créer quelque chose de très spontané. Je trouve qu’en musiques électroniques, les gens passent trop de temps sur l’informatique. On peut vraiment aller extrêmement loin dans les détails. On peut être super perfectionniste, travailler le son en profondeur, la composition, etc. Moi je voulais tout l’inverse. Je voulais montrer… enfin je voulais me montrer à moi-même, je ne voulais pas montrer au monde…

(Le serveur arrive). Euh attends, on va attendre qu’il fasse le service. Au serveur : « Super. Génial. Merci beaucoup. » Le serveur : « Vous l’avez vue ? » Etienne : « Qui ça ? » Le serveur : « Katsuni. » Etienne : « Qui ? » Le serveur : « Katsuni. L’actrice de cul là. L’asiatique trop bonne. Elle était là il y a cinq minutes. » Etienne : « Haha, mortel. Ah non merde, on n’a pas vu. » Le serveur : « Ah merde. » (Il repart.)

Je voulais développer cet aspect de spontanéité que je travaille depuis longtemps, l’improvisation et tout ça, parce que ça peut exister aussi dans la musique électronique. J’ai vu tellement de gens passer tellement de temps sur leur album. Ça donne un truc trop compliqué, trop léché, trop propre. Finalement, ils perdent leur âme… alors évidemment tout est maîtrisé et assumé et tout ça. Moi, je ne sais pas si j’assume tout dans ce disque, mais ce que je voulais, ce qui m’intéressait, c’était le premier jet. C’était l’énergie, l’idée. Je trouve que les premières idées ont la force de leur naïveté, de leur innocence, avec tous leurs défauts techniques, mais quelque part, il y a une magie qui se crée quand tu crées comme ça rapidement. Il y a une émotion qui fait que : « Ah ça y est, je tiens quelque chose, je le fais, je le jette et hop. » C’est ça que j’aime.

Un peu comme dans les premiers live acid en fait…

Bien sûr, bien sûr. Les mecs, ils avaient trois instruments. C’était l’énergie du club, l’énergie de la création qui faisait que quelque chose jaillissait.

Par rapport à tes morceaux précédents, j’ai trouvé que la voix et les paroles étaient plus présentes, jouaient un rôle plus important. Est-ce que là encore tu es dans l’improvisation ?

Bien. C’est de l’improvisation aussi. Enfin pas pour tous les morceaux.

Je pense au second notamment.

Alors pour celui-là, j’ai demandé à quelqu’un d’écrire un texte. C’est l’exception. Les autres morceaux où il y a des voix, je les ai vraiment improvisées. J’avais envie de mettre de la voix dessus parce que j’en avais déjà fait l’expérience avec Zombie Zombie. Je me suis amusé, si tu veux. Et je trouvais que ça marchait alors que je n’ai pas particulièrement une voix de chanteur. Mais c’était un mode d’expression que j’avais envie d’exploiter. J’ai commencé par un vocodeur. Non, en fait j’ai commencé par susurrer ma voix sur Stuck in The Shadow of Your Love, parce que j’ai une voix assez aigüe, pas forcément facile à placer, et je trouvais qu’en la susurrant, ça lui conférait beaucoup de sensualité. Un peu comme les conteurs africains. J’ai essayé ça et j’ai vu que ça marchait. Ça m’a encouragé et j’ai commencé les expériences avec un vocodeur – ce que vous entendez sur Metallik Cages et Anatomy of a Synthetiser. Pour ces deux morceaux, les paroles sont venues comme ça. Ça tournait, j’ai pris le micro et j’ai dit les premiers trucs qui me venaient à l’esprit. Sur Anatomy of a Synthetiser, c’est encore plus drôle, j’ai carrément lu ce que j’avais devant moi, c’est-à-dire toutes les fonctions du synthétiseur. Je les ai lues les unes après les autres. J’avais envie d’aller en profondeur. Il y avait quelque chose de cohérent à lire les fonctions et les entrailles d’un synthétiseur.

Etienne Jaumet - La Visite

Tu parles d’entrailles… Il me semble avoir lu que le thème de La Visite, c’est la visite du corps.

Oui. C’est quelque chose dont je me suis aperçu un peu après. J’ai cette démarche d’observation et d’errance dans ma musique. Je suis un peu spectateur de ce qui m’arrive depuis le départ. Je n’ai jamais cherché à faire carrière. J’avais un autre métier : ingénieur du son. Je ne me suis jamais senti capable ni compétent pour être musicien mais j’ai toujours fait de la musique. Alors forcément, je suis toujours aussi surpris que ça prenne, que les gens s’intéressent à ce que je fais. L’avantage de cette situation, c’est que je n’ai jamais cherché à plaire, juste à expérimenter sur moi-même. Expérimenter la création en somme. Je ne me suis jamais dit : « Je vais composer« . Toute ma vie, j’ai toujours accompagné les autres. En tant qu’ingé son, et puis à mes débuts en tant que saxophoniste. On m’a dit : « Voilà, il faut que tu composes« , alors je me suis lancé, mais techniquement je suis vraiment très mauvais. Je suis incapable de jouer du piano à deux mains.

C’est le résultat qui compte, non ?

Ben oui, oui. C’est là où je veux en venir. Dans mon travail, je vois plus une observation de mon processus créatif qu’une immersion réelle dans les profondeurs de mon inspiration. Comment dire… C’est comme si j’avais une expérience extra-corporelle. Comme si je me regardais jouer. Donc c’est une visite détachée, si tu veux. A la fois intérieure et complètement détachée, où je me surprends moi-même. Où je me perds.

Il paraît que pour ton premier projet solo, Gilb’R t’as dit, en gros : « Bon, Neman est occupé alors ça serait cool si tu pouvais nous faire un album…« 

Exactement.

Est-ce que pour ce second album, ça s’est passé de la même façon ou est-ce que tu commences à construire quelque chose tout seul ?

Disons que j’ai été encouragé par les résultats de mon premier album solo…

For Falling Asleep : la bombe.

Ça me fait plaisir que tu aies aimé, mais moi aussi je me suis dit : « Bon, je peux y arriver. Je peux faire un album« . Pof, on l’a envoyé à Carl Craig, il a dit : « Whoua, moi j’ai envie de le mixer« . Tu vois ce que je veux dire, il s’est passé un truc. J’ai commencé à faire des live solo et puis j’ai vu les gens réagir  – les gens dire : « Tiens, merde, il a un truc à dire » – alors forcément, ça m’a beaucoup stimulé. Et puis j’ai tourné comme ça pendant hyper longtemps. Je continue, d’ailleurs. J’ai l’impression que ça ne s’est pas vraiment arrêté. Alors voilà, j’avais fini l’album de Zombie Zombie, la tournée du moins, et pendant un petit creux l’été dernier, je me suis dit : « C’est le moment d’enregistrer » parce qu’après je repartais avec Zombie Zombie sur d’autres projets, live, etc. je m’étale peut-être un peu mais peu importe. Bref, c’était le moment de composer et comme je fais beaucoup de collaborations… Il y a Zombie Zombie mais il y a aussi…

…James Holden ?

James Holden. Il y a aussi Richard Pinhas avec qui j’ai sorti Les Vents Solaires. Donc je me suis dit, là, c’est peut-être le moment de me prouver à moi-même que je suis aussi capable de faire des choses seul. Parce que sur Night Music j’avais quand même demandé à Emmannuelle Parrenin de venir faire des voix, de la harpe, de la vielle, et c’est génial ce qu’elle a fait, mais là je voulais me prouver que j’étais capable de m’en sortir tout seul. Bon, j’ai demandé à Flóp de m’écrire un texte mais c’est quand même moi qui le dis, qui le mets en scène… Enfin bref.

Lorsque tu as donné ton premier album à mixer à Carl Craig, tu voulais qu’il le pousse dans une autre direction ?

C’est ce que j’espérais, en fait. C’est pas ce que je voulais, c’est ce que j’espérais, et c’est ce qui est arrivé. D’ailleurs, j’ai été assez surpris du résultat. Je ne lui ai envoyé que les mises à plat. A l’origine, il y a beaucoup plus de pistes et surtout, ça n’était pas club. Il y avait la rythmique bien entendu. Mais il n’a rien ajouté, ni même édité. Il n’a rien changé de place. Il a plutôt supprimé plein de pistes. Moi j’étais plus dans un truc caoutchouteux, harmonia, c’est-à-dire de longs instrumentaux bourrés de sons de synthé, des arpèges, un truc très ambient, etc. et lui, il n’a gardé que les rythmiques et quelques mélodies fortes et il les a mises en valeur dans le mix. C’est comme s’il avait trouvé l’intérêt des morceaux, quelque part. C’est lui qui m’a montré la voix et qui m’a donné le goût d’aller vers quelque chose de club. Je suis parti dans mes live comme ça et c’est ce que j’ai voulu expérimenter avec ce nouvel album aussi : garder cette rythmique un peu… voilà… techno.

Etienne Jaumet 2

Cette fois c’est Jérôme Caron (Blackjoy) qui a mixé ton album. Est-ce que tu as plus pris part au mixage ou est-ce que tu t’es dit que tu voulais que ce soit court-circuité par quelqu’un d’autre ?

Non, non, c’est pas ça du tout. Ce n’est pas court-circuité. Il n’y a pas une façon de faire sonner un morceau, il n’y a même pas une façon de le jouer, il y a plusieurs façons. Je trouve qu’un bon morceau, tu le joues à la guitare, ça marche, tu le joues au synthé, ça marche. Il y a quelque chose de magique dans la création des harmonies, de la mélodie, de l’agencement des choses qui est inexplicable, qui fait que ça devient un morceau à part entière qui te touche. A partir de ce principe-là, je trouvais que le regard de quelqu’un extérieur, de quelqu’un du mixage, peut mettre en valeur des choses que tu n’imagines pas. Il peut te faire voir des facettes différentes d’un morceau alors que c’est la même prise. Et Jérôme, il a vraiment réussi à trouver dans mes prises un côté très organique. A la fois vivant et répétitif mais sans devenir froid du tout. Il a vraiment compris que tout était en nuances. La richesse de ma musique est peut-être dans les nuances, en fait.

Tu évoques beaucoup le club et c’est effectivement comme ça qu’on a décrit La Visite, mais alors pour moi, on est vraiment éloigné du club.

Oui, tu as raison. Mais ce sont les mêmes instruments. Tu sais que je l’ai fait avec exactement les mêmes instruments. A part peut-être un résonateur métallique, qui a d’ailleurs donné son nom au morceau Metallic Cages. C’est une espèce de gong avec un moteur dessus. Tu branches ce que tu veux dessus, ça fait vibrer le gong comme une espèce de réverb à plaques. Bon, c’est un peu technique, mais ça m’a beaucoup inspiré. Comme ça s’appelait metallic resonator, j’ai inventé les paroles à partir de ça. Mais oui, bon, c’est pas club.

Je trouve que la rythmique club a plus vocation à installer une ambiance qui permet de laisser passer les autres sons qu’une fonction véritablement dansante.

Oui, c’est vrai. C’est comme ça que je l’envisage aussi. La rythmique est très répétitive. Sur tous les morceaux. Elle commence d’une façon et elle finit quasiment pareil. Eventuellement je coupe un ou deux trucs, une caisse claire, un charley, mais finalement la programmation est la même du début à la fin. Mais c’est volontaire. La rythmique est à la fois le moteur et accessoire. En fait, c’est plutôt une sorte de stimulation physique. Voilà, pour moi, la rythmique c’est le physique et les sons c’est l’intellect.

Il paraît que tu composes tout le temps debout. C’est pour le côté pratique ou…

Les deux. C’est lié à une observation. Ceux qui m’ont vu sur scène ont pu constater que je joue toujours debout. Comme je te le disais, je n’ai aucune technique. Je n’ai pas besoin de m’asseoir. La position de mes mains par rapport au clavier n’a aucune importance, vu la simplicité des notes que je joue. Ce qui m’importe, c’est l’interactivité à l’instrument, c’est-à-dire l’accessibilité aux réglages. Tu le sais peut-être, j’utilise beaucoup de synthétiseurs analogiques, enfin uniquement des instruments analogiques sur lesquels tu fabriques tes sons toi-même. Il n’y a pas de preset donc il me faut un accès aux réglages immédiat, et le plus facile c’est d’être debout, entouré des instruments, et de passer de l’un à l’autre rapidement, parce que comme je suis tout seul, il faut vraiment que je puisse tout manipuler immédiatement. C’est une histoire d’ergonomie, finalement. Mais je pense aussi que le fait d’être debout change beaucoup la composition. Ça oblige à aller vite. Ça m’oblige à être dans un espèce de dynamisme et de ne jamais me reposer. C’est sûr que ça m’oblige à aller vite parce que je ne peux pas rester debout des heures. Ça me pousse à m’investir physiquement.

Tu dis que tu enregistres de façon très brute, très spontanée. Comment tu reconstruis tes live à partir de ça ?

Je fais différemment, en fait. J’ai du mal à reproduire exactement la même chose. J’ai les mêmes instruments, je vais faire la même mélodie, je vais faire les mêmes morceaux, avec les mêmes rythmiques, mais les moments seront un peu différents. Les temps forts seront certainement un peu différents parce qu’une émotion, une connivence avec le public, avec le lieu feront que j’aurai plus envie de mettre en valeur tel ou tel aspect. En général, c’est beaucoup plus club en live. On ressent plus l’aspect club. Parce que j’ai cette espèce d’énergie envoyée par le public. Ca dépend des situations. Si les gens sont assis, je vais faire un truc plus calme. Ce que je veux, c’est surprendre les gens, c’est qu’ils aient l’impression d’assister à quelque chose d’unique. Mais même l’enregistrement, pour moi, c’est quelque chose d’unique. C’est la photographie d’un moment. J’enregistrerais les mêmes morceaux aujourd’hui, ils n’auraient pas le même son, tu vois. Parce que ton vécu a changé, tes envies ont changé, et j’ai envie que ma musique soit comme ça : en perpétuel mouvement. Ça veut pas dire que ça va changer du tout au tout, que je vais faire du reggae, du jazz et après du rock, je vais juste dire que j’ai envie de ne rien considérer comme acquis et que les gens aient l’impression d’assister à quelque chose d’un peu unique, d’un peu différent à chaque fois qu’ils me voient et même moi j’ai envie de ressentir ça, tu vois, j’ai envie de me surprendre moi-même.

On sent l’influence de Pinhas.

Oui, bien sûr. C’est pour ça qu’on s’entend si bien. Pour moi, ce qu’ont enseigné les années 70, c’est cette espèce de liberté, de rapport un peu vierge à l’instrument, un peu innocent, un peu fun en fait. Eux, ils jouaient mais ils ne pensaient pas qu’on se souviendrait de leur musique des années après. Ils jouaient parce qu’ils en avaient envie et parce que ça les excitait. Ils avaient l’impression que les synthés allaient devenir la science du futur. J’aime bien ce rapport à la fois naïf et précurseur. Fondateur, en fait, parce que leur travail a été fondateur de toute la musique actuelle. Je pense qu’ils n’avaient pas l’impression de travailler. Ils jouaient, juste. De toute façon, l’industrie du disque était complètement différente à l’époque. Donc voilà, c’est plutôt l’état d’esprit que je retiens des années 70. Quand on me dit que ma musique est référencée, je pense qu’elle est surtout référencée à cause des instruments que j’utilise. Leur son date de cette époque-là, mais « référencée », ça ne veut rien dire. Pour moi, ce qui compte, c’est la créativité et l’émotion que tu as avec un instrument. Ce qu’il t’apporte, ce qui te stimule. Après, moi aussi j’ai besoin qu’on me prémâche le travail. J’ai besoin d’utiliser des noms. On a besoin d ‘associer des mots à des mouvements. Bon, évidemment de temps en temps c’est faux parce que les gens n’ont pas assez de culture ou une culture limitée mais peu importe, c’est pas grave. Ce qui compte, c’est que ça stimule.

Etienne Jaumet 3

Il y a quand même quelque chose qui te lie aux courants psychédéliques, et qui va par-delà la musique, c’est le côté spirituel. Je sais que tu te revendiques aussi du spiritual jazz, de Coltrane, etc.

T’as tout compris. Je ne m’en revendique pas vraiment mais c’est la même démarche.

Et du coup, tu conçois plutôt ça comme un folklore ou quelque chose d’essentiel ?

Ah non. C’est quelque chose qui m’anime. Qui m’anime dans le sens « qui me stimule ». Dans la chanson, dans le jazz, quel que soit le style de musique, ce qui me transporte, c’est cette spiritualité. Spiritualité dans le sens « habité par un esprit ». Ce que j’aime, ce sont les choses singulières, c’est quand tu sens un personnage derrière, quand tu sens quelqu’un avec des idées, avec une vie.

La Visite, finalement…

Oui voilà. La Visite, ça parle de ça. Flóp, c’est quelqu’un à qui j’ai demandé d’écrire le texte parce que je savais qu’il écrivait des textes, parce que je savais très bien qu’il connaissait parfaitement mon état d’esprit. Donc voilà, ce que je recherche toujours dans la musique, c’est la personnalité, c’est la sensation d’écouter un truc que je n’ai jamais entendu.

Il y a dans ta musique la présence de la spiritualité, mais il y a aussi celle de l’Orient, que ce soit de manière explicite à travers la BO du film Loubia Hamra ou la participation à la compile d’Acid Arab, ou de manière plus implicite, dans tes tonalités. Dans Midnight Man par exemple, c’est assez évident.

Il y a une espèce de tempura, de résonance utilisée dans les râgas indiens. Ce qui me plaît, dans l’Orient, c’est leur recherche de la transe. Je ne sens pas trop de différence entre ma façon de faire de la musique et les musiques orientales. Ils sont toujours dans cette recherche de l’ailleurs et de la spiritualité. Leur musique est très instrumentale et toujours en quête – d’absolu, d’émotions, etc. – jusqu’à se perdre dans la musique. C’est ça, la transe. Donc évidemment, c’est exactement ce que je fais. C’est une musique modale. Si tu veux, les notes, la mélodie, elles sont là, elles existent et elles sont importantes, mais le désir de l’artiste, c’est toujours de s’affranchir de ça. Quelque part, les artistes orientaux veulent dépasser la mélodie et la compilation des harmonies. Les sons qu’ils utilisent sont presque des sons de synthétiseurs. Evidemment, c’est ce qui m’a plu dans le synthétiseur.

Si tu devais citer quelques sources d’influence pour ce dernier album ?

Les gens veulent toujours que je cite des influences, mais en fait les influences sont complètement inconscientes. Comme je te l’ai dit, j’ai procédé à l’enregistrement de cet album avec les machines qui étaient autour de moi et qui sont celles que j’utilise depuis toujours. L’idée, ce n’est pas de faire des citations de ce qui existe déjà, où des artistes que j’aime, pour exciter la curiosité des gens ou des journalistes. Les influences sont là un peu malgré moi. Elles sont variables en fonction des gens qui écoutent. Alors évidemment, je peux te citer beaucoup de gens mais je pense que c’est pas ça qui compte.

Mauvaise question.

Non, elle n’est pas mauvaise. Mais c’est plutôt à toi de les trouver. Je ne sais pas pourquoi une musique t’évoque telle émotion ou tel artiste. C’est le mystère. Evidemment, on peut tout analyser, on peut tout chercher, par rapport à ce que j’écoute, essayer de trouver des repères comme ça, mais au fond est-ce que ça explique le plaisir que tu as à écouter mon morceau et à écouter cet album ? Non. Ce qui compte, c’est ce que ça suscite chez toi. Toi tu vois, si tu trouves que ça ressemble à Patrick Juvet, eh bien tant mieux. Ça ne me dérange pas. Ce qui compte, ce que ça t’évoque des choses et que ça ne te laisse pas indifférent. Chacun fait avec son vécu et ses oreilles. On sait bien que personne ne m’entend de la même façon, que personne n’a la même culture. Si tu veux connaître mes références, si tu veux savoir ce que j’aime, le mieux c’est de venir me voir en DJ-set.

Justement, quelle influence a eu le DJing sur ton nouvel album ? L’intérêt pour le club, c’est récent, non ?

Je n’ai jamais trop écouté la musique de club. Un peu comme tout le monde, parce que je suis allé en rave une ou deux fois au début des années 90. Quatre fois exactement. Mais je n’ai jamais été dans cette musique-là. J’étais dans le rock, Joy Division, The Smith, The Cure, comme beaucoup de gens à cette époque. Et quand est arrivée la musique de club, j’ai pas compris. Elle n’était pas accessible. Je ne sortais pas en boîte de toute façon donc bon, ça m’est passé au-dessus de la tête. J’ai découvert ça avec mon label. C’est depuis que je suis chez Versatile, en fait, que j’ai pris conscience de la richesse de cette musique et que je m’y suis intéressé. Je découvre petit à petit les maîtres.

Carl Craig ?

Carl Craig, évidemment. Je ne  le connaissais pas du tout. Au moment où il m’a mixé, je n’avais jamais écouté un morceau de Carl Craig. Je n’avais aucune idée de ce à quoi ça pouvait ressembler. Je connaissais le nom parce qu’il était célèbre mais voilà, pas plus.

La release party de La Visite aura lieu le 18 décembre au New Morning (Event FB).

Vidéo

Tracklisting

Etienne Jaumet – La Visite (Versatile Records, 23 novembre 2014)

01. Metallik Cages
02. La Visite
03. The Dirty Part Of The Dust
04. Module Mou
05. Anatomy Of A Synthesizer
06. Stuck In The Shadow Of Your Love
07. Moderne Jungle
08. Midnight Man

Écrit par: Alexis Beaulieu

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