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Puce Moment l’interview

today29/11/2013 44

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Passé malgré nous sous silence, il était temps de rendre justice à ce petit bijou d’électro expérimentale qu’est Puce Moment, qui tire son nom du célèbre objet filmique de Kenneth Anger. Bien connus de la scène darkwave frenchie, les deux complices du groupe Cercueil, Nicolas Devos et Pénélope Michel, donnent une vie discographique au projet qui les a lancés, notamment à travers de mémorables ciné-mix. Et si au printemps dernier déboulait dans les bacs un premier LP majestueux aux accents parfois dadaïste, le duo varie sa palette musicale grâce à un sublime EP se concentrant sur le single (Drive), retravaillé pour l’occasion par une poignée d’artistes triés sur le volet, parmi lesquels nous retrouvons MilkyDash (Milkymee + JB de dDamage), Tamara Goukassova, Almeeva ou encore Bruit Fantôme. Entres nuances primesautières et rugosité ambiante, le titre phare et caverneux de ce LP éponyme ressort brutalisé mais rutilant du broyage chirurgical auquel s’affairent les petites mains, modulant le track jusqu’à le rendre parfois méconnaissable. La sortie de cet EP sur l’omniprésent mais toujours passionnant label Desire Records nous donne l’occasion de revenir sur l’interview que nous avait donnée le groupe au sujet de la gestation de leur premier album.

Comment s’est monté Puce Moment ? Pourquoi ce side-project après le succès d’Erostrate, votre dernier projet avec Cercueil ?

La sortie de ce premier album en avril dernier officialise en quelque sorte l’existence du projet Puce Moment, mais en réalité il existe depuis aussi longtemps que Cercueil… Au départ nous avions réuni sous ce nom nos projets musicaux liés à l’image (bandes originales, ciné-concerts sur films existants ou alors sur nos propres images) et donné quelques concerts. Nous avions déjà ce projet de sortir un disque dés 2007, mais le temps est pour nous toujours trop difficile à gérer !

Les deux projets ont donc toujours co-existé, l’un nourrissant l’autre et vice-versa… Sans l’existence de ce disque, Puce Moment se trouvait un peu dans l’ombre de Cercueil et parfois on a « signé » au nom de Cercueil des projets qu’on pourrait plutôt attribuer à Puce Moment, pour faciliter la communication étant donné que Cercueil est mieux identifié. Par exemple, pour des raisons de circonstances, le ciné-concert sur Eraserhead avec lequel on tourne en ce moment est attribué à Cercueil alors que musicalement, ça se rapproche plus de Puce Moment… Fondamentalement ça reste nous dans l’un et l’autre des projets !

Effectivement, derrière cette juxtaposition de musique expérimentale, parfois à la limite du noise, de l’indus et de la darkwave, on retrouve des éléments qui m’ont énormément fait penser au dernier Trentemøller ou au pamphlet Ghost de Nine Inch Nails, qui sont également des OVNI musicaux très cinématographiques. Quelles ont été vos références pour l’enregistrement de cet album ?

Aujourd’hui on compte un certain nombre de ciné-concerts à notre actif… Pour chacune de ces créations, on s’est appliqué à rester au plus près du film et de son déroulé, à proposer une nouvelle lecture en créant une bande-son fondée sur le ressenti et l’émotion plutôt que sur de l’illustration. Dans ces moments-là, on essaie de faire en sorte que le spectateur soit en immersion dans le film jusqu’à en oublier qu’il y a des musiciens qui jouent en direct… Cette expérience de ciné-concerts est peut être la plus représentative de notre démarche pour cet album de Puce Moment, sauf que là pour le coup il n’y a pas eu de support film à reformuler. On a essayé au final d’aller chercher ces images en nous pour créer ce disque, en passant par l’expérimentation. Et de ce fait la composition, l’enregistrement et le mixage de l’album ont été quasiment indissociables !

Dans quelles conditions s’est justement fait l’enregistrement de l’album ? Avez-vous pioché par-ci par-là certains morceaux qui dormaient dans un coin de vos ordis ou de vos machines, que vous avez retravaillés… ou avez-vous tout repris depuis le début comme la BO d’un film imaginaire que vous vous êtes inventé ?

Au départ effectivement nous avions dans l’idée de faire un album à partir de titres que nous avions créés par le passé pour des ciné-concerts, de la danse ou de la performance. Nous trouvions dommage que toute cette matière créée n’ait vu le jour que lors d’événements live, et donc qu’elle n’ait pas eu la possibilité d’être entendue énormément. Avant de se mettre à réécouter nos enregistrements passés, nous avons quand même voulu essayer de créer quelques nouvelles pistes. On nous a prêté un petit chalet à la lisière d’une forêt sur la côte du Pas-de-Calais et nous sommes allés nous enfermer là-bas pendant dix jours avec tous nos synthés, nos effets, etc. Et finalement, nous avons composé de quoi faire un album complet. Nous avons retravaillé chacun des titres en revenant dans notre studio à Lille afin d’affiner leurs arrangements. Un seul « vieux » morceau aura été conservé pour le disque ; il s’agit de Vidéo Dada, qui est un extrait d’un ciné-concert que nous avions créé en 2007 autour du détournement de vidéo-clips des années 80. Le morceau L’Ombre a aussi à la base été créé pour un spectacle de danse du chorégraphe Christian Rizzo, mais il est aussi récent que le reste de l’album et avait complètement sa place dans l’idée que nous nous faisions du disque.

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Y avait-il une hiérarchie musicale, une orchestration programmée lorsque vous avez écrit et enregistré cet album ? Car au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans l’écoute, on semble sombrer dans des méandres abyssaux nous happant vers l’obscurité… Les sons deviennent plus lourds, le tempo plus lent… Exercice de style, exercice musical ou cherchiez-vous à repousser vos limites ?

Avant d’en arriver à se dire que le morceau est fini, il y a un long processus pour le révéler qui ne tient compte que de lui-même, « découvrir qui il est » si on peut dire, sans se soucier des autres morceaux existants. En revanche, on était soucieux dès le départ du fait de concevoir l’album dans sa globalité : nous avons fait une sélection de titres en fonction de leur bonne articulation les uns par rapport aux autres… Je ne crois pas qu’on arrange les sons selon une hiérarchie, au contraire c’est plutôt l’exercice de l’anarchie par moment, où un événement prend le dessus sur d’autres et vice-versa. Parfois on a essayé de s’éloigner de la mélodie pour aller vers quelque chose de plus abstrait.

Et cette abstraction se ressent énormément, notamment sur des morceaux comme Moonoom ou encore Slw Dwn. Mais nous parlions un peu plus tôt de ciné-concert et plus globalement d’images. Quels sont les supports qui vous ont influencés lors de l’enregistrement de cet album éponyme ? Aviez-vous des références picturales ou sonores en tête en entrant en studio ?

Des gens comme Matmos utilisent des concepts pour créer chacun de leurs albums… C’est pour eux une façon de contraindre cet espace de liberté qui se présente à eux avant de composer. Pour cet album il n’y a pas de films, de concepts où quoi que ce soit d’autres qui aient été des points de départ ; on a juste essayé d’optimiser l’instant. On a sûrement des tas de choses qui travaillent derrière, des influences qui remontent de plus ou moins loin mais on ne se dit jamais qu’on va imiter ou de reproduire, on est trop préoccupé par l’idée d’être sincère avec nous-mêmes. En revanche, on a fortement conscience que cet album est une sorte de carte postale d’un moment dans notre parcours, que nous allons finir par abandonner pour aller jusqu’au prochain.

Justement, cet album semble explorer des espaces infinis. Ne vous êtes-vous imposé aucune contraintes ?

Nous n’avions pas de contraintes sauf peut-être celle du temps… On connaît des gens qui ont fini par abandonner leur projet d’album à force de revenir dessus. Si on ne se pose pas de limite de temps ça peut devenir un piège et disperser l’énergie de départ.

Vous avez repris ou tout du moins détourné le titre All That She Wants d’Ace of Base, dénaturant complètement ce hit dance nineties en complainte moite et codéïnée. J’ai d’ailleurs beaucoup pensé à la reprise de Tainted Love de Coil en l’écoutant, même si je l’imagine, le contexte est très différent. Pourquoi le choix de ce titre plutôt qu’un autre et pourquoi ne figure-t-il pas sur l’album ?

En 2009 nous avons créé une sorte de ciné-concert dans le cadre d’une commande d’un festival. Les images étaient composées de fragments détournés de clips qui étaient diffusés aux tout débutx de MTV dans les années 80. Le son de certaines images était conservé, samplé et modifié pour composer une nouvelle bande-son et on jouait en live pour y ajouter de nouveaux arrangements. Ce projet d’une durée d’environ 20 minutes a pour nom Vidéo Dada et un extrait figure sur l’album. Même s’il y a une sensation de random en regardant les images, avec la bande-son qui est recréée, on a lointainement la sensation d’une narration en train de se construire. Nous ne l’avons joué que deux ou trois fois ; étant donné que le format est court, ce n’est pas simple de tourner avec ! La dernière fois que nous l’avons joué, nous avons ajouté une nouvelle chanson à la fin du set pour passer de 20 à 33 minutes : il s’agissait de la reprise d’Ace of Base. Plutôt que d’en sampler des extraits, on a pris le parti de conserver la chanson telle qu’elle est mais en la passant au ralenti, à l’extrême. On s’est beaucoup amusé à lui donner une nouvelle couleur. En live c’est aussi une expérience… En tout cas les gens ne l’ont pas reconnue. Elle ne figure pas sur l’album, tout simplement parce qu’elle est longue (13 minutes) et que vis-à-vis de l’ensemble de l’album, la couleur était peut-être un peu trop différente…

Est-ce qu’Olivier a participé de près ou de loin à l’enregistrement/l’élaboration de cet album, où est-ce vraiment votre parenthèse à tous les deux ?

On ne considère pas le projet comme une parenthèse puisqu’il existe d’une manière ou d’une autre depuis aussi longtemps que Cercueil. Sur cet album de Puce Moment, il n’y a aucune batterie, il n’y a que des rythmiques électroniques. Le fonctionnement de Cercueil n’est pas celui d’un groupe au sens traditionnel où on irait s’enfermer dans un local pour « boeufer »… Cercueil était un duo au départ, et c’est sur le premier album, Shoo Straight Shout, que nous avons invité Olivier. Nous avions envie à l’époque d’une énergie supplémentaire avec nous pour le live, toujours dans le souci d’incarner la musique le plus possible – ce que ne permet pas toujours la musique électronique. Sur cet album comme pour le deuxième, Erostrate, nous l’avons maquetté à deux, à la suite de quoi Olivier cherchait sa réplique à la batterie. Nous nous retrouvions tous les trois avant l’enregistrement pour trouver un accord commun… Olivier arrivait à un moment où le travail de composition et d’arrangement était avancé, nous avions du coup une idée précise du rendu final avant de rentrer en studio – du moins une intention bien définie. Pour le troisième album de Cercueil à venir, on aimerait dans l’idéal changer de méthode pour essayer d’inclure Olivier dans la composition plus tôt. Ce serait d’ailleurs plus logique au regard de nos envies pour ce nouvel album. Pour le live de Puce Moment, on a le même souci que pour le projet Cercueil : le rendre vivant, d’autant plus qu’il n’y a plus que de l’électronique. Nous avons retravaillé les titres de façon à ce qu’on puisse vraiment s’amuser et vivre le concert dans l’instant en jouant en direct un maximum de synthés et rythmiques électroniques.

L’album est entièrement électronique ? On entend pourtant quelques riffs de guitares, notamment sur Fentsergang. S’agit-il d’effets détournés ?

Effectivement il n’y a pas que de l’électronique… Sur un morceau comme -R- par exemple, il n’a que de la guitare et du violoncelle et aucun sample. Le morceau a été enregistré en une prise, et la seule retouche qui a été faite, c’est de raccourcir certains passages pour pouvoir passer de 13 à environ 7 minutes. Sur Moonoom ou Fenstergang, la guitare (acoustique sur l’une, électrique sur l’autre) a un rôle important et le son n’est pas dénaturé. Sur (Drive) par exemple il y a du violoncelle, mais je défie quiconque de reconnaître quelle partie est jouée !

D’ailleurs, à quoi ressemble un concert de Puce Moment ? Il me semble que vous tournez pas mal en ce moment. Vous avez d’ailleurs fait la première partie de Liars au Trabendo. Quel est votre meilleur souvenir de concert ?

Par le passé en 2007, nous avions fait avec Puce Moment quelques concerts qui étaient à chaque fois uniques. Nous faisions un set créé pour chacun des événements auxquels on participait. On a partagé l’affiche avec The Present, Yellow Swans ou encore The Neptunes… Dans la configuration actuelle, suite à la sortie de ce premier album en avril dernier, nous n’avons pas fait beaucoup de concerts. Celui avec Liars au Trabendo était le troisième. On aimerait bien jouer au maximum pour se roder afin d’avoir des gestes plus instinctifs. Sur les synthés analogiques qu’on utilise, il n’y a pas de preset, c’est-à-dire que pour chaque titre il y a un certain nombre de potards qui doivent être re-réglés… Au final on a pas mal de choses à anticiper pour jouer le set comme on le souhaiterait : fluide et enchaîné. On a commencé à travailler l’aspect visuel aussi, en espérant pouvoir approfondir ça très bientôt… Pour ce qui est du meilleur concert, chaque rencontre avec les différents groupes est à chaque fois le meilleur moment. On fait une musique un peu particulière donc on joue souvent avec des groupes qui peuvent avoir une approche et une vision de la musique un peu similaire à la nôtre. Ce sont souvent des groupes qu’on apprécie beaucoup à l’origine donc c’est toujours enrichissant de pouvoir discuter un peu avec eux avant ou après les concerts.

Comment vous êtes-vous retrouvés sur le label de Jérôme, Desire Records ? Qui a sollicité l’autre ?

On voulait dès le départ et quoi qu’il arrive sortir le disque, et on avait tout d’abord prévu de le faire par nous-mêmes. On s’est quand même décidé à l’envoyer à quelques labels et très vite Gloria de Tsunami Addiction nous a contactés pour nous dire qu’elle était intéressée. Le contact a été immédiatement très bon avec Gloria et on a donc décidé de le sortir sur Tsunami Addiction. Jérôme, qui travaille chez Modulor (distributeur de Tsunami Addiction), a eu l’occasion d’écouter l’album avant sa sortie et a proposé à Gloria d’en sortir la version vinyle. C’était vraiment parfait pour nous car nous tenions particulièrement à ce que le disque existe en vinyle. Depuis le premier EP de Cercueil en 2006, nous avons systématiquement sorti nos albums en vinyles, format que l’on apprécie particulièrement depuis toujours. Les deux objets sont très beaux, vinyle et digipack, on est super content du résultat.

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Écrit par: Akitrash

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