Plus tôt dans la semaine : Merde, Ours Blond joue ce vendredi et tu dois tout revoir ! Tu étais prêt à rendre un brouillon lorsqu’un ami t’a relu un matin dans le métro : « Ah ouais, c’est vraiment pas bon ! » Tu reprends à zéro la veille du concert à la Mécanique Ondulatoire. Tu te dis qu’en même temps tu maîtrises bien ton sujet puisque ta copie va être conforme à la musique d’Ours Blond : indéchiffrable. Oui, tu te mets à en vouloir au groupe. S’il n’avait pas sorti quelque chose d’aussi grand à tes yeux, tu n’en serais pas à te torturer. Puis il faut dire que le guitariste-chanteur ne t’a pas éclairé ce jour de septembre quand tu l’as trouvé dans un bar :
– Ça balance dans vos textes !
– On écrit sur ce qui nous fait chier.
– Et les titres des chansons sont longs !
– C’est pour faire chier.

Et il ne t’a pas non plus fait avancer hier soir quand tu lui as écrit dans un élan de désespoir qu’outre des traces d’indie et de punk hardcore, tu avais cru déceler chez Ours Blond une base punk blues à la Gun Club et Minutemen. Il a balayé tes repères d’un coup de verve lancinante : « Pas tant que ça. » Pire, il t’a envoyé un lien de Bear vs. Shark. Toi, tu n’aimes vraiment pas Bear vs. Shark. Il n’a rien fait d’autre que t’embrouiller et aujourd’hui tu fais la même avec les lecteurs d’Hartzine.

Si tu veux à tel point que ta merde soit publiée avant le concert, c’est parce que tu souhaites absolument que tes lecteurs y aillent, non ? Pas tant que ça ? Tu es un vrai chieur, comme Ours Blond. Tu m’étonnes que leur musique te soit aussi familière qu’elle te semble insaisissable. Tiens, ce genre de sensations te ramène à… Sonic Youth. C’est ça, prends Sonic Youth comme exemple ! Inutile de tenter la comparaison avec tel ou tel groupe, Sonic Youth les résume presque tous. Vu le peu de temps que tu as, ça ne peut que t’arranger. Tu y pensais depuis le début, à Sonic Youth, mais tu avais peur de perdre toute crédibilité à force de superlatifs et de supergroupes dans tes papiers. Mais c’est évident. Comme la musique de Sonic Youth, celle d’Ours Blond n’est ni trop structurée, ni totalement informe. La plupart des morceaux ne dépassent pas deux minutes et pourtant ils sont un sacré bordel de références musicales que le groupe s’approprie tout en se foutant du terrain sur lequel il s’aventure. Et comme Sonic Youth, Ours Blond surprend tellement que l’album ne peut s’écouter que d’une traite.

On est tenté d’analyser la musique d’Ours Blond en profondeur alors que le groupe lui-même s’en fout profondément. Il a fallu que tu demandes les paroles parce qu’elles sont forcément volontairement incompréhensibles. Tu ne t’étaleras pas sur leur lucidité. Mais comme la plupart des lecteurs t’ont déjà lâché, tu te permets un dernier essai. Il y a chez Ours Blond cette aspiration à brouiller les pistes comme peut le faire le math rock, cette musique aux rythmiques et mélodies si complexes et si changeantes. Et si le terme « mathématique » donne un caractère scientifique au rock d’Ours Blond, il est vrai que ces gars-là sont de petits génies.

« Sonic Youth », « lucidité », « génies » : ils doivent bien rigoler à cet instant. Ours Blond s’éclate jusqu’au bout.

Ours Blond se produira ce soir à la Mécanique Ondulatoire avec Broken Water, Mary Bell et Bikini Pea aux platines. Plus d’infos sur l’event FB.

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Tracklist

Ours Blond – S/T (Le Collectif Semi-Conscient, 13 mai 2015)

01. Political school of snobbery and hiding
02. What a piece of work is H.Ford
03. Our happy kingdom of half-educated asses
04. Men in trees are blue and have video cameras
05. Trickle down economics is so funny
06. Draw me a fucking sheep
07. You want to fuck everyone? Wear a suit
08. What about ruining a family?
09. A moment of silence for the things I have to (but won’t)
10. The planet of the sus scrofa D.
11. No worries, freedom bombs fall on empty houses
12. The defeat of youth
13. The Lord is my shepherd, I shall not want him for long
14. Anxiety of the soft bodies