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« L’opposition de deux attitudes qui toutes les deux peuvent recourir à l’intro-spection ou à l’extro-spection, mais dans des mentalités différentes » Paul RicÅ“ur, Philosophie de la volonté
Et si on disait une fois pour toute, qu’en France, beaucoup, pour ne pas dire tout, se passe en province. Dans des coins mystérieux, énigmatiques, reculés ou en plein cœur de villes atroces, mystiques ou enchanteresses. La première sortie des niçois de LLLClub était une petite baffe, la deuxième est une plus grosse baffe et, qui plus est, une baffe en aller-retour. Volume 1. Volume 2. Ça vient de sortir sur leur bandcamp, en format CD-R, on ne se moque pas, artwork mignon et pack anti-sécheresse mentale assuré.
Quelque chose de l’ordre d’une prise de position émerge de cette sortie, et les prises de position réelles et sensées, on le sait, sont rares aujourd’hui. Bref, Nice, Été d’urgence, déjà le titre est un énoncé-manifeste, à défaut d’être performatif étant donné l’assagissement général du mouvement social dans notre été 2016. On y retrouve les deux comparses de la très bonne première sortie, D.A.S. et Knut Vandekerkhove.
Été d’urgence, c’est une techno bizarre. Indus bizarre pour D.A.S., assez chimérique pour Knut Vandekerkhove. Intro-spection/Extro-spection. Ça marque aussi, un souci d’une techno non-autocentrée, brassée, diverse, multiple et émergente. Une techno qui croise, qui s’hybride pour produire une forme plus étrange, plus intense, plus bizarre, plus plastique aussi, peut-être. Il n’y a pas dans les deux volumes d’Été d’urgence seulement du 4×4 radicalisé d’une manière ou d’une autre. Mais une prise de position concernant le rythme et l’hybridation des choses. Des morceaux comme des petits monstres, comme des chimères d’une techno électronique large et ouverte.
Volume 1, D.A.S. alias Dead Acid Society
Brutales ruptures de rythme, proto-techno, une atmosphère presque Pulp suant un dimanche matin et une sorte de techno modulaire imaginée en trois mouvements coupés d’interludes. A, B et C. Triangle rectangle d’une techno noire et sombre où l’on se retrouve aux prises avec une sorte d’intro-spection surplombante… Parfois très radical, brutal, parfois plus enlevé, presque world sur certaines pistes, l’excellente B1 notamment, c’est le croisement d’un moment techno plus tourné peut-être vers l’indus que le R’n’b mais qui fait place à une étonnante jouissance. Une techno technique au sens Simondonien du terme, peut-être.
Volume 2, Knut Vandekerkhove
Expérimentation hybride extro-spective. Des voix, un background presque Koudlam et des incursions dans les mouvements monstrueux de l’électronique actuelle. Quelque chose d’assez Grenoblois paradoxalement… Knut Vandekerkhove, ça pourrait être un blaze taggué entre deux murs d’une friche au milieu des montagnes. Techno plus extro-spective donc que son comparse D.A.S. On y sent l’influence de la scène bizarre d’aujourd’hui, un peu moins en dedans peut-être, plus au-dehors mais tout aussi sombre et bizarre. Ça n’est pas complètement sans rappeler les productions de N Prolenta ou de Jesse Osborne Lanthier. AT178, par exemple, pourrait être un tube des dancefloors comme on aime, bizarre, raide, assez reich, mais tout chatoyant dedans.
Bref, volume 1 et volume 2 comme les deux faces d’un même souci d’imaginer la techno, d’un même souci de prendre position face à une urgence plus large qu’une urgence exclusivement musicale. Été d’urgence est sans doute l’une des tentatives les plus réussies de faire sens au milieu de notre désastre, qui soit sortie en France cette année. Il n’y est pas question d’apocalypse mais de faire monstruosité vers un sens, vers une politique physique, vers une politique sensible.
Ce qu’on comprend avec LLLClub, c’est que, même au milieu du pire, pour éviter que ça soit « mou partout », il suffit parfois juste de radicaliser ses pratiques de la situation, du quotidien, pour tracer des lignes de sens… Pour savoir reconnaitre aussi que le temps est nécessaire dans l’urgence et que l’auto-enfermement ne peut durer trop longtemps. Les carapaces de répétition du quotidien réglé/réifié, les injonctions à faire, les castrations mentales, ne peuvent durer une vie. Ou alors c’est renoncer à tout sous prétexte du plus petit possible, du plus attendu possible, du plus facile quoi.
Le présent est un matériau suffisant aux constructions intenses. VNR n’est pas qu’une énième attitude, une énième posture, ce sont des actes, mentaux, sonores, politiques, etc. Tout, est une insurrection possible et nécessaire. LLLClub est une insurrection possible et nécessaire.
LLLClub – Été d’urgence, vol. 1, D.A.S. (11 novembre 2016)
01. A1
02. A2
03. A3
04. A4
05. Interlude
06. B1
07. B2
08. B3
09. Interlude
10. C1
11. C2
12. C3
13. C4
14. End
LLLClub – Été d’urgence, vol. 2, Knut Vandekerkhove (11 novembre 2016)
01. AT174
02. AT160
03. AT176
04. AT192 x Désir d’enfant
05. AT178
06. AT183
07. AT190
08. AT164
09. AT188
10. AT191
Écrit par: Aurèle Nourisson
Été d’urgence D.A.S. KNUT VANDEKERKHOVE LLLClub
Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous explorions sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !
dieu vous le rendra….
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