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Who Are You Les Disques du 7ème Ciel ?

today23/01/2013 69

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Qu’il s’agisse des concerts acoustiques qu’il a organisés sur sa terrasse – Les Concerts 7ème ciel, ou de son label Les Disques du 7ème Ciel, Damien fait confiance à son instinct et se révèle être profondément sincère lorsqu’il nous parle des artistes qu’il aime et pour lesquels il s’investit. Cette interview, qui vient en préambule d’une release party qui aura lieu au Petit Bain jeudi 24 janvier – pour laquelle on vous fait gagner des places ici -, nous démontre que la passion et l’utopie sont aujourd’hui les meilleures armes des mélomanes passionnés qui un jour décident de sauter le pas.

Pourquoi avoir choisi 7ème ciel comme nom de label ?

Je ne me souviens plus exactement pourquoi j’ai choisi ce nom-là. En tout cas, c’était très spontané, pas du tout réfléchi. Sûrement  un jeu de mots sur le fait d’habiter au 7ème étage de mon immeuble, d’y organiser des concerts sur la terrasse de l’appartement, avec le ciel à perte de vue ; l’idée d’emmener les gens qui venaient aux concerts dans des contrées moins redoutables, plus orgasmiques. Sur le coup, la touche un peu salace m’a sûrement fait rigoler deux minutes. Surtout que de la terrasse, on voit le Sacré-Cœur.

Ce dont je me souviens pour sûr, c’est d’avoir voulu un nom de label super long, un truc pas percutant du tout et qui irait à contre-courant des lois du marketing. Avec le recul, je trouve ce nom un peu débile. En plus, à l’instar du jeune gothique qui marche dans la rue en regardant ses godasses, habillé de son trench coat plus-noir-que-noir-tu-meurs et de son pétard à la Robert Smith sur le crâne, autant dire qu’avoir choisi un tel nom n’est pas la meilleure façon de faire profil bas. Cela dit, je ne suis pas à une contradiction près.

On a organisé ces concerts pendant quatre ans. Chaque été, on ouvrait notre maison à des inconnus, des gens qui gagnaient leur place grâce à un concours organisé par notre partenaire, popnews.com. Ç’a été une aventure géniale. Tout était gratos. On ne vendait rien. On partageait alcool et victuailles. Les groupes jouaient gratuitement. Ils se rémunéraient sur la vente de disques à la fin de la soirée. Vente qui, soit dit en passant, leur rapportait souvent plus que le cachet qu’ils auraient empoché s’ils avaient joué dans une petite salle de concert parisienne typique.

La plupart des soirées se finissaient fort tard, avec la sono à fond dans le salon. Après les concerts, on faisait boîte de nuit ; moitié indé, moitié gros hits dégoulinants des années 80. On s’est bien marré.

La tournure qu’a prise cette mode des « concerts en appartement » à Paris m’agace. Ce qui a commencé comme un moment de partage unique a dégénéré ces dernières années en histoires de fric et de promo pure. Il y a des boîtes d’évènementiel qui se sont spécialisées dans ce type de concert et qui demandent jusqu’à 60€ pour assister à ces « concerts ultra privés » avec, parfois, champagne à volonté. Au 7ème Ciel, c’était plutôt Kro, 1664 et erm… gnôle.

M’enfin, c’est la loi du genre : faites preuve d’un tant soit peu d’altruisme ; faites remarquer que « Hey, vous voyez bien qu’il faut cesser d’avoir peur de l’autre ! J’ouvre ma porte à des gens que je ne connais pas et on ne m’a jamais piqué un seul CD » et vous pouvez être sûr que cette jolie idée sera récupérée par des gougnafiers.

Remarque, j’ai vu le truc venir. Il y a quelques années, toutes les majors du disque (je dis bien toutes) et certaines indé, m’ont contacté pour faire jouer leurs poulains au 7ème Ciel. La mode des concerts en appart’, c’était un truc qui rentrait à présent dans leur plan marketing. Lancement d’un nouvel artiste ou d’un nouvel album ? Faisons cela en organisant un concert en appart’ ! C’est tellement tendance ! Si en plus, y’a une terrasse avec vue sur le Sacré-CÅ“ur, ça va arracher ! Autant te dire que je leur ai tous dit d’aller se faire voir.

Quelles sont les raisons qui t’ont amenées à créer un label après cette expérience ? 

Ça s’est fait naturellement. Une histoire de circonstances. La manière dont on organisait ces concerts, le côté très humain de l’expérience, ont débouché sur de belles amitiés avec certains des groupes.
La première saison, j’ai invité And Also the Trees, un groupe qui a fait les beaux jours du post-punk anglais dans les années 80. En trente ans de carrière, ils n’avaient jamais joué dans de telles conditions : en acoustique et sans amplification. Moi, dans ma grande naïveté, je trouvais ça intéressant de les faire jouer dans un tel format. Bref, depuis l’arrivée d’un contrebassiste dans le groupe, ils se sont sûrement dit que c’était le moment d’essayer quelque chose de nouveau. Lorsqu’ils m’ont dit qu’ils étaient intéressés, j’étais soufflé.

Suite à ce concert, ils ont sorti un magnifique album acoustique, When The Rains Come, qu’ils ont tourné à deux reprises en Europe. Un peu avant sa sortie, je leur ai demandé s’ils avaient des titres en boîte qu’ils n’avaient pas mis sur l’album. Certaines des meilleures chansons d’And Also the Trees sont sur des faces B de singles. Je n’étais donc pas très inquiet au sujet de la qualité des morceaux en question. J’ai été emballé par ce qu’ils m’ont envoyé. C’est ainsi que Les Disques du 7ème Ciel sont nés.

Peux-tu nous présenter les artistes que l’on trouve aujourd’hui dans ton catalogue ? 

Un de mes objectifs est de ne pas enfermer Les Disques du 7ème Ciel dans un genre particulier. Autant dire que je ne me facilite pas la tâche. À peine ai-je construit un petit réseau pour une sortie que je dois en construire un autre car le public potentiel pour cette dernière est (parfois très) différent de la première.

On trouve donc And Also the Trees (post-punk/gothique à l’origine, moins bruyant mais toujours aussi vénéneux et poétique), Lolito, un jeune groupe lillois aux brûlots pop-rock de trois minutes (en gros, chaque chanson est un single en puissance), de la chanson française avec Maud Lübeck (je ne suis pas très chanson française à part Ferré ou Barbara mais, justement, Maud  a quelque chose de très spécial qui la relie à ces grands-là).

Fin janvier, je sors le nouvel album d’Alexandre Varlet, un jeune homme dont les influences remontent au post-punk et au dark folk anglo-saxon et qui enregistre depuis quelques années avec une guitare en bois.

Personne, dans le paysage de la chanson française, ne ressemble à Alexandre. Il est le seul, avec cette voix si particulière et ses textes travaillé au fer rouge, à proposer un folk mutant et poétique en français, sombre et lumineux à la fois. À vrai dire, ça m’énerve de voir un homme pareil s’ébrouer dans une indifférence quasi générale. Tout ça parce qu’il ne rentre dans aucune case. Je suis sûr que l’Histoire me donnera raison.

Je sors également, fin janvier, un double album vinyle de Theo Hakola, This Land Is Not Your Land. Theo était une de mes sources d’inspiration lorsque j’étais adolescent, à l’époque de Passion Fodder, son second groupe. L’humanisme et la rébellion qui exhalent de ses paroles m’ont marqué et continuent de m’émouvoir.

Ce nouvel album est ce qu’il a sorti de plus intense et de plus beau depuis longtemps ; à la croisée des chemins entre Nick Cave (avec qui il a d’ailleurs beaucoup tourné) et le blues électrique. Et puis, n’oublions pas que sans Hakola, il n’y aurait peut-être jamais eu Noir Désir. En effet, c’est lui qui a poussé Barclay à les signer à la fin des années 80 et qui a produit leur premier disque.

Quelles sont selon toi les qualités que doit avoir un passionné pour ouvrir son propre label ?

La folie, peut-être ? Je pense qu’être sincère dans sa démarche est essentiel. Si tu veux durer dans le temps et continuer à être satisfait de ton travail, la sincérité est primordiale. Il faut rester humble et à l’écoute ; ne pas forcément tenir compte de conseils soi-disant avisés et demeurer obstiné.

Une fois que tu sais où tu veux aller avec ton projet, peut-être faut-il éviter de virevolter dans tous les sens et de brasser de l’air pour rien. Même si c’est parfois fort tentant. Cela dit, il y a des personnes qui font ça à merveille – brasser de l’air – et qui s’en sortent, selon leurs critères de réussite, à merveille.

Sinon, savoir compter est important. À défaut de gagner de l’argent, autant éviter d’en perdre.

Tu mets un point d’honneur à soigner l’esthétique de tes sorties : qu’elles soient en vinyles ou en CD, l’auditeur acquiert de beaux objets en édition limitée. Sui s’occupe des choix artistiques ?

L’identité visuelle du label est importante. Je tiens à ce qu’elle soit forte. Lorsque je suis tombé dans la marmite, à la fin des années 80, mes références étaient 4AD et Factory. Ceci explique cela. Voilà pourquoi je travaille avec le même graphiste pour quasiment toutes les sorties. C’est quelque chose dont je parle aux groupes en amont. S’ils ne sont pas d’accord sur ce point, alors, à moins qu’ils ne me proposent quelque chose que je juge être dans l’esprit 7ème Ciel, je ne travaille pas avec eux. C’est aussi simple que cela.

Damian O’Hara, le graphiste avec lequel je travaille, est un ami de longue date. Il sait où j’essaye d’aller. Damian a fait St Martin’s à Londres. Le mec touche sa bille. Ma chance, c’est que dans ses propositions, il y a toujours quelque chose qui m’emballe. Après, l’idée d’origine et les détails, on les bosse le plus souvent ensemble.

Bien qu’il soit difficile d’être pointilleux lorsqu’on travaille avec très peu d’argent, je crains que ma petite bicoque ne fasse long feu si je baisse la garde. Alors, oui – je mets un point d’honneur à soigner la bête. Sans être chiant (m’enfin, ça, y’a sûrement que moi qui le pense), je suis exigeant.

Pour moi, sortir un disque ne se résume pas à recevoir les bandes, l’artwork fait par quelqu’un que je ne rencontrerai jamais, à presser le disque en question et à le mettre en vente. Le 7ème Ciel est avant tout une histoire de rencontres.

On peut acheter toutes les sorties sur ton site et dans quelques points de vente à Paris (Balades Sonores, Fargo, GroundZero, Fnac des Halles…). Quels efforts as-tu mis en oeuvre pour réussir ce compromis de qualité de fabrication et de prix ?

L’idée, c’est en effet de fabriquer de beaux objets et de les vendre à des prix raisonnables.

Lorsque tu décides de sortir des disques au packaging qui sort de l’ordinaire, il y a un gros travail de sourcing à faire. Il s’agit de trouver des petits fournisseurs qui vont comprendre ton discours. Le souci, c’est que les gens qui font de belles choses sont, bien évidemment, souvent très chers. Il s’agit donc de trouver le meilleur compromis pour que les disques du 7ème Ciel ne se retrouvent pas en rayon ou sur notre site à des prix prohibitifs.

Maintenant, il y a toujours des esprits chagrins qui trouvent que 18€ pour un beau gatefold ou 22€ pour un 10’’ EP gatefold avec CD inclus, le tout en carton recyclé très épais et petit tirage, c’est trop cher. Penser ainsi, c’est méconnaître les coûts de nos productions et ce qui se passe dans l’arrière-boutique.

Pourrais-tu m’expliquer dans quelle économie tu as créé ton label, et quelles sont tes objectifs pour pouvoir continuer à proposer d’autres sorties ?

Pour le meilleur et pour le pire, ma culture professionnelle est très anglo-saxonne, très DIY. Je n’ai jamais demandé une aide financière pour un projet musical à quelque organisme que ce soit. J’ai donc commencé le label avec mes propres deniers. Maintenant, les choses sont très simples : si un disque ne marche pas, je n’ai pas les moyens de sortir le suivant. J’ai donc matière à être précautionneux et exigeant sur toute la ligne.

J’ai juste envie de continuer, lentement mais sûrement, à faire les choses sérieusement sans me prendre au sérieux. Le petit monde de la musique indé est bourré de gens qui la font à l’envers. Ces gens-là me fatiguent.

Quelles sont tes différentes activités autour du label et combien de temps te prennent elles ?

Si tu as besoin de tes huit heures de sommeil pour tenir debout, inutile de te lancer dans une telle aventure. En plus de ton boulot, celui qui paye ton loyer, le label et l’organisation de concerts te demanderont une attention de tous les instants et une importante somme de travail et d’énergie. Ça, c’est si tu t’investis à tous les niveaux comme moi. Après, tout le monde n’est pas aussi frappadingue que je le suis.

Tu as refondu récemment le site du 7ème Ciel pour l’adapter au label. Avec qui as-tu travaillé sur l’identité visuelle ?

Je travaille avec Steve Wheeler, un des musiciens du groupe australien Heligoland. Steve est un ami. Je savais qu’en bossant avec lui, on aurait quelque chose de minimal qui siérait bien à l’identité visuelle des pochettes développées par Damien O’Hara et à l’idée générale que je me fais du 7ème Ciel.

Quelles sont tes prochaines idées pour le label ?

J’aimerais bien faire une petite série de split albums. L’idée, ce serait de mettre en face A un groupe qui soit un peu connu, et un petit nouveau en face B, histoire de faire connaitre ce dernier au plus grand nombre.

Et puis, plutôt que de faire bosser le graphiste sur la musique, j’aimerais bien, un jour, demander au musicien de bosser sur le travail du graphiste.

On est impatient de voir réunis sur scène les artistes du 7ème Ciel au Petit Bain le 24 janvier. Nous réserves-tu quelques surprises ?

Des ballons et des confettis ! En veux-tu, en voilà.

Enfin, peux-tu nous présenter brièvement la mixtape que tu nous as concoctée ?

Dans l’ordre, mes grandes émotions musicales ont été le Requiem de Mozart et celui de Fauré (chantés par des chœurs d’enfants, car chanter la mort sied à leurs voix), Dead Can Dance, The Auteurs, la pop espagnole d’Elefant, Godspeed You! Black Emperor et Arvo Pärt.

En fait, ma plus forte émotion est lorsqu’enfant, j’ai chanté La Messe Solennelle de Vierne à la cathédrale de Chartres avec mes petits camarades de la chorale et le grand orgue qui vrombissait à tout rompre. Dans le genre, on peut difficilement faire plus rock ‘n’ roll. À côté de ça, je t’assure qu’assister à un concert de Sunn O))), c’est de la gnognotte. J’imagine que toutes ces références se retrouvent, quelque part, sur la mixtape.

Mixtape

01. Theo Hakola – The Only Church (This Land Is Not Your Land, 2012)
02. Baader Meinhof – There’s Gonna Be an Accident (Baader Meinhof, 1996)
03. Iris & Arm – Le Lièvre (Les Courants Forts, 2010)
04. Single – Pío Pío (Pío Pío, 2006)
05. Les Savy Fav – Hold On to Your Genre (Inches, 2004)
06. Bed – The Lucky Hand (The Newton Plum, 2001)
07. Birch Book – Jacob Fleet (VA Last Summer, 2012)
08. Alexandre Varlet – Umovedown (Alexandre Varlet, 2013)
09. And Also the Trees – Scarlet Arch (A Room Lives in Lucy EP, 1984)
10. Current 93 – Whilst the Night Rejoices Profound and Still (Soft Black Stars, 1998)
11. Maud Lübeck – C’est pas rien (La Fabrique, 2012)
12. Jérôme Minière – L’indifférence (Le Vrai le Faux, 2010)
13. Lolito – Echo Echo (Lolito, 2012)

Vidéos

Écrit par: David

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