Artistes

Twin Arrows l’interview

today18/03/2015 77

Arrière-plan
share close

Twin Arrows_Cleěmence Bigel

Photo & interview © Clémence Bigel

Fondé suite à une rencontre improbable et alcoolisée une nuit sur les quais de Seine et remarqué en 2012 avec la sortie de son premier album éponyme, Twin Arrows fait partie du cercle restreint des groupes rock français qui ne se contentent pas de nous envoyer des riffs à la figure mais innovent, expérimentent, cherchent, créant un univers bien à eux qui les rend identifiables d’entre tous. Hell and Back, leur deuxième album, vient de sortir dans les bacs (chez Modulor), prouvant davantage la capacité du groupe à proposer une écriture musicale recherchée mais aussi à nous foutre une bonne claque. Contrairement à leur premier opus, autoproduit et enregistré avec les moyens du bord dans leur garage, Hell and Back a été enregistré en studio, en analogique. Pour ce deuxième album, on retrouve l’influence de The Doors, Thee Oh Sees ou encore Rage Against the Machine, mais poussés sur un disque narratif qui nous emmène sur une route quelque part entre Mulholland Drive et Lost Highway, un Hell and Back, sombre et enfumé, sentant aussi bon l’asphalte et le cuir que Peter Fonda dans Easy Rider. Trop belle occasion de discuter ciné, performances live et schizophrénie…

Audio

Entretien avec Twin Arrows

En écoutant votre musique, j’ai eu envie de vous demander quels sont vos films préférés.

Tous : Twin Peaks.
Eléonore (chant) : Moi j’dirais… Sailor et Lula.

Ça ne m’étonne pas ; depuis que j’ai réécouté votre album ce matin, j’ai vraiment très envie de revoir Sailor et Lula.

Eléonore : C’est vrai, t’y as pensé ?
Aurélien (guitare) : Moi c’est plus Blue Velvet.
Alex (guitare) : Ouais franchement j’suis fan de David Lynch.

Bon ok, David Lynch, donc.

Alex : J’aime bien Jarmusch aussi.
Eléonore : Après, Scorsese, Coppola, tout ça bien sûr aussi. Jarmusch. Down by Law.
Aurélien : Deathproof.
Eléonore : Tarantino…
Pierre (batterie) : Moi j’te dirais Dead Man aussi.
Alex : En plus quand on s’est rencontrés pour la première fois, j’crois qu’on a parlé plus de cinoche que de musique. On est fans de Willow aussi (rires).
Eléonore : Ouais, Willow bien sûr ! Willow
Alex : Hook !
Eléonore : Hook ! Qu’on regarde une fois par an obligatoirement.
Aurélien : Jurassic Park.
Jean-Marc (basse) : On a des petites perles… Ouais, Jurassic Park, bien entendu.
Pierre : Moi avec Twin Arrows, j’ai découvert Carpenter.
Tous : Ah ouais Carpenter ! Génial !
Aurélien : Un de mes préférés, c’est Invasion de Los Angeles. C’est celui dans le futur où le mec tombe sur une fabrique de lunettes de soleil clandestine et quand il les met, il se rend compte que la moitié des gens sont des extraterrestres. Il est énorme.
Eléonore : Et l’autre ?
Aurélien : Los Angeles 2013 et New York 1997.
Eléonore : Ah ouais ! Avec Kurt Russell dans tous les films… Et meilleure BO au monde.
Pierre : Bon, on pourrait te parler des Avengers aussi.
Aurélien : Ouais, on aime bien les gros blockbusters quand ils sont bien faits.
Jean-Marc : Quand y’a un côté nanar, quoi.
Aurélien : Mais ouais, nan mais pour la musique c’est peut-être pas aussi conscient mais…
Pierre : …c’est vrai que tout est une question d’ambiance.
Aurélien : Quand t’as un riff, n’importe quel son, quel rythme, quel agencement qui te met dans une ambiance, on a plutôt envie de le travailler et de broder à partir de ça plutôt que de partir d’une mélodie sans ambiance et partir de ça. On part plutôt de l’ambiance pour développer un truc.
Eléonore : Ouais, ça dépend un peu des morceaux mais c’est vrai, c’est plutôt comme ça.
Alex : C’est vrai qu’on dit rarement : « on va faire tel ou tel accord », on parle plutôt d’ambiance, de faire « un truc terrien »…
Eléonore : Même dans l’écriture des textes, c’est souvent des scènes. Enfin moi, je les imagine souvent comme ça. Y’en a une où on parlait de galères, de pirates, de rythme, un peu comme s’il y avait des rameurs, on se donne un peu des images comme ça. Une autre, c’était plutôt une espèce d’ambiance de nuit, de vampire… On se donne souvent des images-clé et un peu cliché parfois aussi…
Pierre : …et on créé un vocabulaire. Y’a un lexique Twin Arrows qui se met en place.

Sur cet album, votre musique évoque la route, le road trip…

Eléonore : C’est comme une suite de rencontres. Chaque chanson, tu rencontres un nouveau personnage… qui finit en général par se faire tuer (rires) et puis après ça repart sur autre chose. C’est vrai qu’il y a un petit peu de ça. C’était pas hyper conscient mais au final, quand on a trouvé l’ordre des morceaux et même quand on a trouvé l’ordre de l’album, c’est vrai qu’il y a un peu Hell and Back, une sorte d’aller-retour sur une route. Après c’est l’imaginaire de chacun aussi.

Et donc c’est pour ça, Hell and Back ?

Eléonore : Hell and Back, à l’origine, c’est une œuvre de Louise Bourgeois où il y a écrit : « I’ve been to Hell and back, and let me tell you, it was wonderful ». Quand j’ai lu ce truc-là, je m’étais dit : « Ah, c’est cool », du coup on a écrit une chanson dessus, puis au final on l’a gardé comme titre. On a cherché le nom de l’album et…
Pierre : …et on s’est dit que c’était cohérent avec le reste des morceaux.
Eléonore : On voulait pas forcément que ce soit un des morceaux qui soient mis en avant, c’est juste que ça nous a parlé. On s’est dit : « Allez, on fait ça ».

C’est vrai que ça colle bien à l’ambiance de l’album, bien plus sombre que le précédent. Vous aviez une approche différente ?

Alex : J’pense qu’on se connaît mieux. C’est vers là qu’on est allé naturellement. On n’a pas cherché vraiment à ce que ce soit plus sombre.
Aurélien : C’est surtout que le précédent, comme je pense en fait tous les premiers albums, c’est une agrégation de trucs qu’on avait tous dans notre sac depuis longtemps. Quand on jouait pour le premier album, on jouait tel riff ou telle mélodie ou telle suite d’accords que quelqu’un jouait dans sa chambre depuis qu’il avait 18 ans peut-être. Du coup, pour un premier album, t’as plein de trucs qui datent depuis beaucoup plus longtemps que le moment d’enregistrer l’album. Et donc on était peut-être dans un truc plus seventies, plus Doors, Led Zep… des trucs qu’on écoutait plus ado quoi. Enfin j’parle un peu pour moi à vrai dire. Et pour le second, on s’est retrouvé.
Eléonore : C’est aussi que le premier s’est fait au fur et à mesure. Comme on l’a enregistré dans notre garage, on avait le temps. Et les morceaux se sont construits en même temps que l’enregistrement, c’est-à-dire que… on n’avait pas de concept – on ne fait pas de concept-album – mais tous les morceaux, on se disait : « C’est ça qui sera dans l’album ». On composait, en même temps on enregistrait, et à un moment on s’est dit : « Voilà, on s’arrête là ». Alors que le deuxième, comme on est parti en studio, on avait pré-maquetté la plupart des morceaux et on avait déjà une cohérence, on se disait : « Il nous manque tel morceau » et ça s’est construit uniformément. On a tout écrit, puis on est arrivé en studio et puis on a tout joué live ensemble. La couleur de l’album, son côté plus sombre, il était défini en arrivant en studio.

Dans le premier album, les chansons sont très différentes, il y a même une ballade, c’est d’ailleurs ce qui m’a surprise en écoutant le nouvel album à la suite du premier. Dans Hell and Back, il y a une couleur qui est un peu la même, j’dirais bleu foncé, pour tous les titres, et une continuité qui a été pour moi une invitation à le prendre comme un film. Parfois tu ne vois même pas la limite entre les chansons. Tu te laisses bercer pendant tout l’album sans te dire : « Ma préférée c’est celle-ci » où « Ah, j’écoute celle-là ». Non, tu t’en fous, t’écoutes, tu te laisses porter et c’est tout.

Eléonore : En fait dans le premier, il y a plein de petites histoires, pas forcément liées les unes aux autres mais à l’intérieur du morceau. Sur celui-là, c’est le même film avec plusieurs scènes.
Jean-Marc : Ce travail-là, on le fait beaucoup pour le live en essayant de trouver des transitions entre les morceaux… On pousse encore plus dans le live pour que ce soit vraiment comme un voyage et qu’à la fin ce ne soit pas qu’une musique mais…
Eléonore : …que ça t’emmène…
Aurélien : …que ça ne soit pas une suite de morceaux et de coups de projecteurs mais plus une immersion dans un seul truc dont tu te réveilles à la fin et pas à la fin de chaque chanson.
Eléonore : Justement, on a pas mal travaillé ça ces derniers temps, réadapter l’album pour le défendre sur scène et essayer de pousser plus loin ça, avec plus de grandes plages, de laisser davantage durer les parties à l’intérieur de chaque morceau et de pas vraiment avoir de limite, pas de fin ou de début d’un autre morceau, mais que le passage se fasse un peu plus subtilement.

En effet j’ai l’impression que Hell and Back, on ne peut en vivre l’expérience totale qu’en live. J’ai écouté le mp3 en ligne et au début, je me suis dit que c’était cool mais déroutant, surtout par rapport au premier album, et ensuite seulement j’ai compris.

Pierre : D’un autre côté, c’est le but de l’album.

D’être joué en live ?

Pierre : A mon sens oui, je le vois comme ça. Un truc t’intrigue dans l’album, t’as envie d’aller voir le groupe en live parce que l’album t’as plu. On n’est pas du tout dans le truc du concept-album dont la musique il n’y a qu’en album que tu peux l’avoir, justement on a fait cet album plutôt pour que les gens se disent : « Ah, t’as écouté ça ? Justement, ils passent en concert… ».
Aurélien : C’est même un truc un peu dur, le passage live/album. Parce que quand t’as joué pas mal en tournée et que tu te retrouves en studio, ça ne marche pas parce que ce n’est pas la même façon de jouer. Puis tu sors du studio, tu sais plus jouer sur scène. Au début, on s’était dit qu’on voulait faire l’album comme en live et puis on s’est rendu compte que ça ne marchait pas et que c’était quand même différent, même si on voulait retrouver l’esprit. Puis après, en live, tu veux jouer l’album mais tu dois le changer. Y’a un truc un peu…

Un peu schizo ?

Jean-Marc : Ouais, c’est deux trucs complètement différents en fait.
Aurélien : Ouais, et même si tu veux que les deux se nourrissent. Le live s’est un truc qui s’écoute fort, avec des gens…
Eléonore : Après, les morceaux, on les a aussi testés en live avant de les enregistrer en studio pour nous rendre compte de ce qui marchait ou pas. On composait aussi en tournée, du coup, on le testait, on changeait des structures…
Alex : En général, ce qui marche en studio ne marche pas en live, et inversement
Aurélien : J’pense que t’es juste pas au même endroit. Quand t’écoutes un album t’es soit dans ta bagnole, soit assis chez toi, tu fais la vaisselle… En live, t’es debout, y’a des gens, c’est très fort, y’a la lumière, forcément tu peux pas faire la musique pareille.
Alex : T’as l’énergie qui se dégage des musiciens.

En studio, vous avez travaillé sur de l’analogique en plus, non ?

Alex : Oui, du coup sur ce que tu fais, tu peux pas revenir en arrière.
Aurélien : Ce qui est encore plus stressant.
Eléonore : Et du coup, on a mixé en studio aussi.
Aurélien : A la fois ce qui est cool aussi, c’est que tu peux pas t’éterniser. Déjà on avait loué le studio pendant un mois, donc on avait la deadline pour l’enregistrement et puis après au mixage, c’est un truc technique, mais quand tu fais ça en numérique, t’enregistres ton fichier et si tu trouves que la voix est trop forte un mois après, tu rouvres le fichier et tu baisses la voix. En analogique, tout est fait sur la table et quand tout le monde est d’accord, on fait play, ça enregistre et après tu passes à un autre titre et tu changes les boutons sur la table. Donc tu ne peux que recommencer à zéro. Du coup, le moment où on fait play et que tout le monde est d’accord, c’est bien stressant. Quand tu penses que les mecs à l’époque, ils faisaient ça sur bande…

Et du coup, vu que vous avez déjà vécu l’expérience d’un premier album ensemble, tourné, traversé des galères ensemble, est-ce qu’au moment de travailler sur ce deuxième album, vous vous sentiez plus sur la même longueur d’onde ? Ou visualisiez mieux la direction générale du groupe ?

Eléonore : J’pense que sur le second, oui, on était beaucoup plus d’accord, on savait où on allait. On avait pris des décisions avant, on avait eu le temps de s’engueuler avant et de pas être d’accord. Sur le moment du studio on était plus à essayer de se soutenir pour tenir parce qu’on dormait peu et qu’on avait tous des doutes sur le moment… On est assez forts pour ça, on s’équilibre bien. On a des caractères assez différents mais ça matche bien.
Aurélien : Puis on peut ne pas être d’accord, s’engueuler, et revenir rapidement à un consensus ou une autre façon de voir les choses qui met tout le monde d’accord.

Écrit par: hartzine

Rate it

Commentaires d’articles (0)

Laisser une réponse

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs marqués d'un * sont obligatoires

HZ since 2007

Hier, sans aucune forme de prétention, nous cherchions à transcrire et à réfléchir notre époque. Curieux et audacieux, défricheur passionné, nous  explorions  sans oeillères et à travers un contenu éditorial toujours riche
et exigeant l’ensemble des strates qui composaient le monde bouillonnant de la musique indépendante, ses marges souvent nichées dans le creuset du web comme le halo médiatique qui entourait certains. Mais çà c’était avant. Aujourd’hui, on fait ce qu’on peu !

Contact us

doner dooner

dieu vous le rendra….

0%