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On y était : Sonar 2016

today08/07/2016 61

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On y était : Sonar 2016, du 16 au 18 juin à Barcelone, en texte et en images

Les années passent et certaines choses ne changent pas, nous sommes mi-juin et je suis à Barcelone pour le Sonar.  Cette fois-ci en revanche, j’avais envie de faire les choses différemment, plutôt que de faire mon marathonien à essayer de voir tout ce qui passe et à enchaîner trois événements off par nuit j’ai pris le parti de me la jouer plus relax, de me concentrer simplement sur quelques trucs, de profiter des potes en vacances, de bouffer gras et d’aller dépenser mes thunes chez Discos Paradiso. Cette fois-ci je comptais rentrer avec des disques dans mes bagages plutôt qu’avec un sévère cas de tremblotte et des cernes dignes des corpse paint les plus trüe. Je me suis également débrouillé pour prendre mes billets d’avion n’importe comment et arriver après la master class de Brian Eno et les concerts de Lady Leshurr et de King Midas Sound + Fennesz, histoire d’alléger mon planning un peu plus et de passer à côté de trucs qui m’intéressaient beaucoup.

Au lieu de ça, à mon arrivée, je tombe sur The Black Madonna du côté de la grande scène extérieure. L’Américaine est une régulière du Panorama Bar mais elle est surtout la DJ résidente et la directrice artistique du Smart Bar à Chicago, ce qui n’est pas rien quand on connaît l’histoire du lieu. Les premiers sons sur la playlist sont très feria, plutôt grossiers, et j’ai bien l’impression qu’on est partis pour assister à quelque chose de bien moche avant qu’elle ne se décide à envoyer des morceaux plus early house pour une ambiance sonore style amour entre hommes et multi-ethnicité façon Paradise Garage ou Warehouse, ce qui est de bien meilleur goût et fonctionne tout autant auprès des mongols dans une fête en plein soleil.

Je bouge de scène et me cale pour le live de Insanlar, projet live du DJ et producteur turc Baris K et du compositeur Cem Yildiz au saz et au chant. Les deux complices sont accompagnés sur scène par différents collaborateurs, aujourd’hui un batteur et un percussionniste. Le groupe fait doucement monter des constructions rythmiques lentes et hypnotiques sur un fond de drones, comme en apesanteur dans un liquide amniotique avant de laisser pénétrer des éléments de musique folklorique ottomane et des accents rock pour accoucher d’une énergie smooth mais implacable et surtout terriblement contagieuse. Les nappes de synthés se mêlent aux phrases de saz et la litanie de cette voix noyée d’écho est ponctuée par les attaques de toms ou de darbouka. Malgré mes nombreux loupés de la journée j’aurai quand même découvert un live intéressant, finalement c’est un peu ça le Sonar, il a toujours quelque chose à apprécier même lorsque l’on passe à côté de ses cibles initiales.

© Sonar
© Sonar

Il est ensuite temps de bouger dans une galerie à l’extérieur du Sonar où se tient une sauterie sponsorisée par Ableton histoire de s’enfiler des bières gratos. Une DJ au style très health goth enchaîne les saucisses techno allemandes pendant que la marque préférée des amateurs de MAO présente en display sa dernière gamme de contrôleurs (sûrement une grosse banane). Mais ce soir c’est soirée déconne donc on part se terminer au showcase L.I.E.S. dans cet horrible lieu qui pourrait aisément faire figure de cercle de l’enfer dans l’œuvre de Dante : le Razzmatazz.

Par chance on évite les grandes salles remplies d’étudiants Erasmus pour se retrouver au Lolita, la plus petite scène de cet hypermarché de la nuit. L’ami 45 ACP envoie un set dark et sérieux, ça tape où ça faut même si je dois admettre que j’ai plus un faible pour ce qu’il fait sous D.K., son autre alter ego, mais bon les deux entités sont bien trop différentes pour être comparables. Ron Morelli et Low Jack enchaînent en b2b et le but semble clair : envoyer de la violence façon Panzer Division. Faut dire que ça colle pas mal à l’atmosphère essentiellement masculine matinée de sportswear qui règne ici, une lumière néon et je me sentais presque comme dans la salle de sport en face de chez moi. Le reste de la soirée ressemblera à une fin de soirée classique au Razzmatazz, à savoir une course d’orientation dans la fange humaine. Quand on sort de là on se sent un peu comme le personnage de Tim Robbins dans cette scène de The Shawshank Redemption où il retrouve l’air libre après avoir rampé dans un tunnel rempli d’excréments.

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Le lendemain on est fatalement un peu sale et le live d’Ata Kak tombe à point nommé pour se décrasser. En plein soleil, le jeune Ghanéen de cinquante piges va rééditer sa superbe performance de la Villette Sonique toujours accompagné de son backing band de feu et de sa joie communicatrice.

On enchaîne très brièvement avec le sound system de Congo Natty qui a dû faire vibrer tous les adeptes du carnaval de Notting Hill parmi lesquels beaucoup ont dû oublier de voter « stay » (on vous a vu les Anglais, sous prods et bière avec des coups de soleil en guise de t-shirts), avant de patienter sagement devant la scène du SonarDôme pour LE truc que je voulais voir par dessus tout : le live de Timeline, dernière incarnation scénique du mythique collectif de Detroit, Underground Resistance.

Après une introduction par un Monsieur Loyal estampillé UR qui aura fait l’effort de s’adresser à la foule en espagnol, « Mad » Mike Banks, fondateur et figure de proue de l’équipe, prend le contrôle des opérations derrière ses synthés et ses séquenceurs, sac à dos sur les épaules, casquette bien vissée sur la tête, comme un putain de pilote d’hélicoptère. A ses côtés le DJ/producteur Mark Flash assure la section rythmique à base de loops sur platines et de percus tandis que Jon Dixon de Galaxy 2 Galaxy aux claviers et De’Sean Jones au saxophone sont font plaisir sur les thèmes et les improvisations mélodiques.

Pendant plus d’une heure les quatre bonhommes vont nous faire voyager dans l’univers musical de la Motor City, du jazz à la house en passant par des clins d’oeil Motown et des mouvements purement techno, l’expérience est intense, jouissive. Plus qu’un simple état des lieux ou un medley bien senti, leur performance repousse les définitions de la musique noire moderne, une musique encrée dans une histoire riche, mais plutôt que de porter un regard nostalgique sur un illustre passé, Underground Resistance fixe le futur droit dans les yeux et transcende les genres pour finalement faire éclater les chapelles musicales et emmener l’auditeur dans cette énergie hors du commun. Je retiendrai également ce moment magique où Jon Dixon a quitté ses workstations pour venir au devant de la scène et se lancer dans un question/réponse keytar/saxo épique avec le gars De’Sean pendant que Flash maltraitait son pad de percus comme un joueur de djembé énervé et que Banks alternait leads free et motifs kraftwerkiens.

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Après cette immense claque je passe devant le live de Santigold comme une somnambule et je quitte la site du Sonar pour rejoindre les potos dans un événement off en bord de plage avec au menu Marcellus Pittmann et notre chouchou de chez Rush Hour, Hunee. Au Sonar on rencontre toujours des gens qui ne jurent que par le off, alors OK, observer une faune décomplexée par la prise massive de drogues dans des lieux qui sortent plus ou moins de l’ordinaire peut avoir un côté sociologiquement intéressant voire carrément amusant mais le truc à savoir, c’est que ces mêmes gens n’ont jamais mis les pieds au Sonar « in ». En fait le clivage est assez simple, le in pour écouter de la musique et le off pour se cramer le cerveau comme un débile. Ça peut paraître un peu simpliste et radical comme distinction mais c’est frappant tant on peut constater à quel point la plupart de DJ sur les événements off ne se prennent pas la tête dans ce qu’ils proposent, à savoir des tracks de teuf bien flingués sur un fond de tech house pour jeunes fatigants et fatigués. Cerise sur le gâteau Hunee ne jouera même pas, la faute à un vol annulé en provenance d’Italie.

A ce moment là je me dis que j’aurais sûrement dû aller voir Jean-Michel Jarre histoire d’en dire quelque chose ici mais finalement non. JMJ est l’un de mes premiers gros souvenirs de concert, en 90 à la défense, sur les épaules de mon père, je me souviens de la foule et des rayons laser, peut-être qu’inconsciemment je ne voulais pas altérer ce souvenir d’enfant de sept ans et puis surtout qu’est-ce qu’on en a à foutre de Jean-Michel en 2016 sérieux ? Finalement on va au DJ set de Lena Willikens dans le bar d’un hôtel chic pour boire un mojito et boucler cette journée.

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Dernier jour du Sonar by day avec en guise d’intro le concert de BadBadNotGood, les canadiens connus pour avoir collaboré avec pas mal de noms du hip-hop comme Ghostface Killah, Danny Brown ou la clique Odd Future. Pour faire court, je me suis profondément ennuyé devant leur pseudo jazz de blancs sortis du conservatoire. C’est lisse et sans relief, c’est faussement détendu, c’est du jazz de blancs. Je pars ensuite voir ce que donne Yung Lean sur scène. Entre nous, j’y allais uniquement pour mesurer le degré de flingage de l’affaire tant le rappeur YouTube suédois de dix-neuf ans ne m’a jamais rien inspiré de bon et je n’ai pas été déçu. Par son public d’abord constitué majoritairement de gamins de seize à dix-huit ans entre looks kawaï, joggings fluo et regards tristes d’emo kids, puis par son bordel à la croisée des chemins entre un son trap, des gimmicks pop, des auto-tunes et une capacité vocale digne d’un chaton qui s’imagine en roi de la jungle, le tout devant des projections de manga. Faut bien que les jeunes s’adaptent on est d’accord, mais le mélange rap/manga/carte 12-25 est à la musique ce que le Danao est à la boisson, y avait qu’un connard pour imaginer l’association du lait et du jus de fruit.

En déambulant je tombe ensuite sur le set bien cool de Sassy J la DJ helvète qui a fait des sorties chez Trilogy Tapes puis sur la prestation de Lafawndah, parisienne d’origine irano-egyptienne expatriée à New York que je ne connaissais pas du tout et qui m’a fait une très belle impression avec sa grosse présence scénique, sa voix puissante et sa singularité. Sa musique est un mélange particulier de sonorités orientales, de rythmiques tribales et de R’n’B mâtiné d’accents grime, électro voire parfois carrément club, que certains qualifient de « ritual club music ». Pas nécessairement ce que je m’écouterais chez moi spontanément mais une belle découverte scénique tant la pote de Kelela (qu’on a également vu mais dont j’ai oublié de vous parler, mais les deux ont un truc assez proche) transpire l’honnêteté et l’originalité.

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Le lendemain on clôt les hostilités avec un nouveau DJ set de 45 ACP dans un club plutôt mignon situé dans le Poble Espanyol. La suite sera nettement moins intéressante avec notamment Bambounou et sa tech house aussi prévisible qu’un tacle en retard de Di Meco. Si vous ne connaissez pas le garçon je vous encourage vivement à regarder ce petit bijou audiovisuel situé tout en haut de l’échelle du gênant avec la meilleure tchatche qu’il vous sera donnée d’entendre sur le sujet ô combien sensible du chauffage central. Je pourrai certainement vous balancer d’autres anecdotes débiles mais on va s’arrêter là pour cette fois et encore merci au Sonar qui m’a permis de faire des découvertes intéressantes même si sur le papier cette programmation 2016 était plus légère que celles des années précédentes (sauf pour les gros nostalgiques des années 90 tant il y avait de quoi faire à ce niveau là).

A la proxima chicas y chicos.

Photoshoot

par Hélène Peruzzaro

Écrit par: hartzine

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