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Cankun l’interview

today05/10/2015 48

Arrière-plan
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Parti très tôt explorer les recoins les plus étranges d’un univers psyché mâtiné de dub et de boucles hypnotiques addictives, Cankun aura su entretenir une véritable trajectoire ascendante depuis ses premiers projets en 2011. Armé de sa guitare et d’une boite à rythmes, sa première approche franche et directe révèle une ambition de faire danser sans arrière-pensée tout ce que l’imaginaire exotique peut lui permettre d’agiter le temps de morceaux gorgés de soleil d’ailleurs et d’évocations tribales. Très vite, Cankun ambitionne pourtant d’altérer lui-même sa formule pour y injecter une dose maximale d’errance et de recherche spirituelle pleine de détour et de circonvolutions moins évidentes, plus proches de ce qu’il est : un rêveur. A n’en pas douter, un héritage de ses premières armes alors qu’il agitait des paysages drone / ambient sous le pseudonyme Archers By The Sea. Les deux ans écoulés depuis la parution de Culture Of Pink chez Hands In The Dark en 2013 racontent cette recherche d’un nouveau souffle, d’une synthèse entre le passé et le futur d’un Cankun qui trouve alors le moyen d’associer les différents pans de sa personnalité pour donner naissance il y a quelques mois à Only The Sun Is Full Gold. Un nouvel album en forme d’aboutissement musical et personnel qui préfigure peut-être un nouveau changement de direction, à la croisée des chemins, dont nous avons pu explorer la genèse à l’occasion de l’un de ses rares passages sur la capitale en mai dernier pour un live au Monseigneur.

Cankun l’interview

Cankun (1)

Photo © Vincent Fribault

Comment tu vois ton évolution depuis Culture Of Pink, ta dernière sortie chez Hands In The Dark, il y a deux ans ? Comment le projet Cankun a évolué depuis ? Tu as été plus absent ces derniers temps, il semblerait que tu aies pas mal travaillé dans ton coin sur ce nouveau disque, Only The Sun is Full Of Gold.

Durant cette période, j’ai beaucoup travaillé pour intégrer aux nouveaux morceaux un maximum d’idées. Sur Culture Of Pink, à mes yeux, il y avait trop de cassures très nettes, avec des boucles assez rigides, tout ça n’était pas très construit. J’ai aussi cherché à intégrer le plus d’éléments organiques possible. Je me suis acheté un kit de batterie électronique qui retranscrit vraiment la batterie classique. Ça ne s’est pas complètement fait comme je le voulais au final mais j’ai cherché à construire les morceaux de manière plus poussée, surtout avec de nouveaux éléments de percussion. Sortir de la boite à rythmes.

Tu as appris au fur et à mesure à te servir d’une série d’instruments sans forcément les avoir étudiés de manière classique ?

Je suis guitariste à la base mais les synthés, l’informatique musicale, tout ça c’est un univers avec lequel je n’étais pas forcément familier à la base. Je pense d’ailleurs que c’est les limites de ma création : la maîtrise de cette informatique musicale. J’utilise vraiment le minimum des logiciels que j’ai, je ne peux pas prétendre vraiment maîtriser tout ça correctement. Du coup je fais avec les moyens en ma possession. Mais quelque part ça me plaît, c’est ce que j’ai toujours cherché à faire, travailler avec ces limites là, faire les choses par moi-même.

Est-ce que ça n’est pas frustrant, de sortir un nouveau disque, ce Only The Sun Is Full Of Gold donc, d’essayer de monter le niveau ou de franchir un cap, tout en fournissant beaucoup d’efforts, à la mesure de ce que tu ne maîtrises pas justement ? C’est à ça que tu as consacré beaucoup d’énergie ces deux dernières années ?

J’ai longtemps cherché les meilleures associations, sur pas mal de morceaux. Certains ont eu plusieurs versions assez différentes, que j’ai retravaillées de nombreuses fois. Ça m’a pris beaucoup de temps. Mais ce disque s’est fait en 6-7 mois, en réalité, depuis l’écriture jusqu’au bout du processus. Je n’ai quasi pas tourné l’année dernière, je suis resté beaucoup chez moi à travailler là-dessus. Par ailleurs, ce disque devait sortir plus tôt en réalité mais ça ne s’est pas fait. Les morceaux datent en fait de début 2014. Il ne devait pas sortir à la base chez Hands In The Dark.

Est-ce qu’il s’agit de l’album qui devait voir le jour chez Mexican Summer, dont tu m’avais parlé il y a quelques temps ?

Oui, c’est ça. Ils m’avaient contacté juste avant la sortie de Culture Of Pink. Il n’y avait pas d’opportunisme de leur part ou quoi que ce soit, juste l’envie de collaborer. Ils voulaient sortir quelque chose avec moi, j’étais super chaud pour ça. Au final, ça ne s’est pas fait. Ils aimaient bien les morceaux mais, a priori, pas assez pour le sortir. Après, je ne sais pas vraiment ce qu’ils voulaient de moi, ce qu’ils attendaient, je n’ai pas trop compris ce revirement de situation après avoir autant discuté.

Ce qui est assez étrange car, à mes yeux, il s’agit du disque le plus abouti de Cankun, en fait. Tu es même parti un peu des boucles basiques pour aller vers quelque chose d’un peu plus travaillé. Avec une démarche très humaine, qui me parle : une démarche humble, où tu travailles à la hauteur de tes moyens. Ça se ressent beaucoup dans tes sorties et notamment dans ce nouveau disque.

Il y avait peut-être d’autres raisons que la qualité musicale en tant que telle, aussi. Je n’en sais rien. Ils ont un catalogue hyper éclectique, assez difficile à comprendre, je trouve, maintenant. Quand je travaille sur un disque, je procède d’une manière assez particulière : je n’envoie pas le disque tout fait, d’un seul coup. J’envoie les morceaux tels que je les termine au fur et à mesure, ça me plaît bien. Ça me permet d’établir une relation avec un label, que ce dernier me dise « Ok, ça c’est bien mais est-ce que tu ne pourrais pas optimiser ça ? ». C’est ce qu’a toujours fait Britt de Not Not Fun. C’est un échange qui me plaît bien car je fais tout vraiment tout seul, ça me permet de relativiser, d’améliorer… J’ai donc envoyé les morceaux à Mexican Summer au fur et à mesure, ils étaient super enthousiastes et quand le disque au global a été finalisé, ça ne s’est pas fait. Honnêtement, je ne me suis jamais trop fait d’illusion non plus sur la sortie du disque. Ils ont lancé une bouteille à la mer. Mais ils m’ont quand même fait signer des papiers pour les droits d’auteur, ils ont annoncé la sortie sur leur site… Sur le coup, j’ai été un peu déçu de la tournure des événements, je le reconnais. Mais quand j’ai reçu l’avis de Morgan (ndr : de Hands In The Dark) et Britt et qu’ils m’ont confirmé que le disque leur plaisait, ça m’a vraiment rassuré. J’essaie au maximum de ne jamais refaire le même disque deux fois, du moins de le faire différemment. Ce disque là je l’ai voulu vraiment construit, même si la trame est venue au fur et à mesure, à base de beaucoup d’impros, d’assemblage… J’ai beaucoup cherché de cohérence dans les morceaux et à l’intérieur du disque. Au vu du temps imparti, j’aurais aimé faire beaucoup plus de musique, sortir carrément un double album. J’avais plus d’une heure, réduit à 40 minutes sur le LP, un peu plus sur la K7 et le digital.

Tu sentais que tu touchais à quelque chose d’intéressant à explorer, de nouveau pour toi, dans la structure des morceaux et de l’album ?

Je voulais faire un disque hyper consistant. Je ne suis pas fan de musique progressive particulièrement mais je voulais partir dans un délire plus complexe, avec une recherche et un façonnage plus subtil des morceaux, à la hauteur de ce que j’étais capable de faire. Un peu de concept, de travail sur les arrangements, les structures de morceaux, ça m’aurait fait marrer d’aller plus loin encore, pour voir.

Cankun

Ce qui est différent des débuts de Cankun, à savoir une musique plus simple, basique, très tournée sur des boucles uptempo, avec une ambiance exotique affirmée. Mais au-delà de cet esprit un peu prog dont tu parles, ce que j’ai ressenti surtout c’est cette tentative de revenir vers ce que tu faisais avec Archers By The Sea, très ambient / drone, et de le fusionner avec ce qu’est Cankun aujourd’hui. C’était une démarche volontaire ?

C’était totalement ça, effectivement. Quand j’ai commencé à travailler sur Only The Sun Is Full Of Gold, je me suis mis à réécouter pas mal de musique expérimentale. Ce que je n’avais pas fait depuis un moment. J’y ai retrouvé des éléments qui me plaisaient, qui me parlent vraiment. C’est ce vers quoi j’ai aussi envie de retourner, aujourd’hui. Il y a un mec pour qui j’ai beaucoup d’admiration : c’est Mark Nelson de Labradford, qui fait Pan American aussi. Je trouve que c’est fantastique ce qu’il fait, un mélange d’expérimental et d’accessible, ce travail subtil sur les rythmiques. Ça m’a donné envie de revenir un peu vers de l’ambient mais un peu plus travaillé. Et essayer de me passer du synthé, faire de l’ambient avec de la guitare. Je ne voulais pas faire un disque cool, dub, comme les précédents. J’ai cherché à revenir vers ces racines là qui sont celles qui me parlent le plus, au final. J’ai cherché des éléments de distorsion aussi, notamment sur le morceau bonus de la K7 (ndr : Trezz), qui se rapproche pas mal d’ABTS. J’ai eu envie de mélanger ces univers là. Aujourd’hui, j’aurais même envie de produire des choses encore plus épurées, en fait.

Quand tu as arrêté Archers By The Sea, vers 2011, et que tu as lancé le projet Cankun, on a senti une cassure nette. Comme si tu voulais tout stopper et passer brusquement à autre chose. Aujourd’hui, on a l’impression que tu refais un peu le chemin dans l’autre sens. Qu’est-ce qui t’avait poussé à faire ça à l’époque et pourquoi tu reviens un peu vers tes premières amours, je dirais, maintenant ?

Je pense que je n’ai jamais vraiment changé à proprement parler, j’avais juste envie que la musique soit différente, qu’elle se manifeste d’une manière nouvelle. Mais je ne crois pas qu’elle ait changée tant que ça, dans le fond. Je ne suis pas spécialement à l’aise de refaire les mêmes morceaux à l’infini. Avec ABTS, j’étais sûrement arrivé à un niveau de saturation, où j’avais sorti beaucoup de choses, j’ai eu besoin de tourner la page et d’aller ailleurs. Mais je me rends compte aujourd’hui que ça ne correspond pas forcément à qui je suis. Le délire dub, ça me fait marrer mais c’est pas ma culture musicale, c’est moins mon identité. Avec Only The Sun Is Full Of Gold, j’ai eu envie de revenir vers quelque chose de beaucoup plus personnel. Ce disque est beaucoup plus personnel que Culture Of Pink, même s’il y avait beaucoup de samples que j’aimais beaucoup dedans. Peut-être aussi une envie de ma part, au moment de lancer Cankun, de sortir un peu de l’underground complet dans lequel j’étais et d’aller voir ce que ça donnerait avec une musique un peu plus accessible que ce que je faisais avec ABTS. Une solution de facilité, quelque part, mais qui ne me satisfait pas non plus totalement. Au-delà de ça, j’aime bien jouer en live mais je ne suis pas un grand fan de ça. J’avais construit le projet Cankun autour de cette idée, pour faciliter le fait de faire du live, de manière plus simple et plus immédiate, de me confronter à ça. Finalement, je n’ai pas une passion incroyable pour ça, j’ai envie de revenir vers la création musicale pure, ce que j’ai fait sur Only The Sun….

Ce que l’on peut voir éventuellement comme un retour en arrière, pour toi ça ressemble plutôt à un aboutissement, non ? A mes yeux, c’est le disque que j’attendais de Cankun il y a 2-3 ans, sans le savoir. Sinon il y a un autre élément dont on n’a pas encore parlé mais que je trouve important chez toi, c’est ce travail sur les mélodies. Proposer de petites mélodies simples mais qui se mémorisent bien et qui entraînent dans une spirale légère, très aérienne en fait. C’est un élément que tu recherches spécialement ou ça te vient sans trop y penser ?

Au final, ouais, j’ai essayé de trouver quelques gimmicks pour accrocher l’auditeur. Ça reste un peu simple mais ça fonctionne bien, je trouve. Je ne sais pas trop ce vers quoi je veux aller aujourd’hui, tout est un peu confus en réalité. Mais peut-être retourner même vers de l’ambient pur, sans ces gimmicks là, ça me tente bien.

À l’époque d’ABTS, il y avait une véritable dynamique internationale en termes d’ambient ou de drone. Je trouve que ça s’est un peu perdu en 2015, par rapport à il y a 5 ans. Tous les groupes versés là-dedans, la plupart a arrêté ou est retournée dans des niches lointaines. D’autres ont essayé de se mettre à des trucs plus uptempo ou accessibles, au point de créer une scission, comme ce fut le cas pour Emeralds, entre autres. Revenir vers ça, c’est assumer un retour vers une musique plus confidentielle, non ?

Disons que je n’ai pas de plan de carrière, je m’en fiche un peu de ça. Ce vers quoi je veux aller prochainement, c’est retrouver un plaisir simplement personnel. Revenir vers une démarche DIY à mort, quitte à ne plus sortir de disque à proprement parler, tout mettre en ligne gratuitement ou que sais-je. Je ne suis pas blasé mais il y a beaucoup de choses qui sortent et en tant que passionné de musique, j’ai du mal aujourd’hui à trouver des choses qui me portent ou qui m’inspirent. On marche un peu sur la tête, on est en saturation complète. Au-delà de ça, Culture Of Pink, je ne vais pas le nier, sa notoriété est due à Pitchfork en grande partie. La Route Du Rock etc., tout est arrivé grâce à ça. Ça n’est pas un problème en soi mais quand ça commence à arriver, tu prends une espèce d’habitude. Et quand tu ne l’as plu, tu vas inconsciemment essayer de retrouver ce soutien. Ma réflexion aujourd’hui est là : un disque va aussi beaucoup se faire en fonction des gens qui vont le soutenir ou non, au-delà de toi. C’est ce qui me gêne, en réalité. Même si mon intention de base n’est pas de « plaire à Pitchfork », quelque part tu peux avoir ce réflexe là. Je ressens un grand ras-le-bol de tout ça, d’où mon envie là tout de suite de retourner à des choses basiques, plus à mon échelle.

J’interviewais Max (High Wolf) il y a peu. Je lui disais que toi, lui et Seb Forrester (Holy Strays), vous aviez été mis dans le sac des « Frenchies de NNF », avec des musiques que l’on rapprochait beaucoup. Aujourd’hui, vos 3 parcours sont assez différents : Seb essaie de partir sur quelque chose qui se rapproche d’une carrière sérieuse aujourd’hui, Max tourne beaucoup, à l’étranger notamment. Comment tu vois cette évolution là, depuis vos premières sorties ?

On ne se parle pas trop souvent ces derniers temps mais je regarde ça un peu de loin. Seb est jeune, on a dix ans d’écart, c’est maintenant que ça se joue pour lui, c’est bien qu’il tente le coup, il a le talent pour. Il essaie d’être dans une démarche construite, hyper clean, d’un autre niveau. Mon parcours est différent, j’ai commencé à travailler et je me suis dit ensuite que tout ce que j’avais en stock, ce serait bien que ça sorte. Le point de départ était plutôt celui-là. J’ai commencé à sortir des disques mais j’étais déjà un peu « âgé », quoi, 27-28 ans (rires). De son côté, Max a construit un truc assez hallucinant : à partir de rien, en tournant comme un fou, il a bâti une réputation dingue autour du nom High Wolf, que je trouve vraiment superbe. Mais c’était clairement son délire de tourner dés le début, c’est là qu’on est différent lui et moi. Je suis admiratif de ce qu’il a fait, les sorties, les tournées, le premier a avoir été chez NNF de nous trois. C’est un peu grâce à lui qu’on s’est retrouvés là-bas aussi. Il y a aussi Felicia (Le Petit Chevalier), qui commence à bien marcher.

Tu te dis que là où tu en es aujourd’hui, c’est ce à quoi tu aspirais au final ? Que tu ne voulais pas spécialement être vu comme un « professionnel de la musique », faire 250 concerts par an, mais plutôt garder cet esprit DIY ?

Carrément, oui. Professionnel ça n’a jamais été ma motivation. Ça a toujours été un à-côté, j’ai fait ça de manière amateur mais le plus professionnel possible, je dirais, dans l’exécution. Il y a beaucoup de choses qui me sont arrivées, que je trouve géniales. Jouer à la Route du Rock, même si j’en garde un souvenir mitigé (rires), être sur Pitchfork… Je suis hyper content de tout ça, ça restera une passion, très prenante mais une passion. Je n’ai jamais eu l’envie d’aller au-delà de ça. Quand Culture Of Pink a commencé à recevoir pas mal de retours positifs, ça m’a un peu titillé, mais ça n’a pas duré longtemps. J’ai beaucoup parlé à des pros du milieu, je me suis fait ma propre opinion et ça ne m’a pas forcément donné envie d’aller chercher le statut d’intermittent. J’ai pas envie de faire de compromis, je veux faire ce que je veux. Cette liberté là est dure à concilier avec l’envie de vivre uniquement de la musique. Mais c’est une réflexion très banale aujourd’hui de toute façon : la plupart des musiciens a un boulot à côté, trime… On est tous pareil.

Cankun 2

L’avantage de ton parcours c’est d’avoir tissé une relation intéressante et, je crois, forte avec Morgan d’Hands In The Dark. Comment tu travailles avec lui ?

Notre relation est totalement différent de celle du début. On en est à la troisième sortie ensemble, c’est comme si j’étais à la maison. C’est important pour moi d’avoir ce genre de personnes autour de moi. J’habite dans un endroit totalement paumé, je n’ai pas l’occasion d’avoir un paquet de personnes autour de moi pour écouter ma musique, participer, etc. Avoir un regard extérieur sur ma musique, c’est crucial. C’est le cas aussi avec Britt. Avec Morgan, je sais qu’il fait à chaque fois le maximum pour mettre en avant la musique. On a une super relation, c’est un super label, je ne pourrais pas rêver mieux.

C’est un bon exemple de mec qui fait les choses à sa sauce, sans forcément trop calculer tout le temps ou de faire des compromis à tout bout-de-champ. Il est parvenu à trouver le juste équilibre entre faire ce qui lui plaît et trouver un public.

Le nerf de la guerre, ça reste les PR. Il a un super réseau aujourd’hui, ça aide beaucoup pour la mise en avant des disques. Quand Mexican Summer m’a dit non, je me suis naturellement tourné vers HITD. Morgan m’a dit qu’il ne pourrait pas le sortir de suite, j’ai attendu sans problème, pour faire les choses comme il faut. Je ne voyais pas passer du temps à envoyer mon disque à plein de labels différents alors qu’il y avait HITD derrière moi. C’était une super opportunité de prolonger cette relation particulière.

Quelles sont, selon toi, les différences entre Culture Of Pink et Only The Sun Is Full Of Gold ? Tu en vois un plus abouti que l’autre ?

Only The Sun… est clairement plus abouti, il n’y a pas photo. Même s’il y a plein de choses que j’ai voulu y mettre et que je n’ai pas pu, des cuivres, etc. Ça me plairait bien sur un prochain disque, pour enrichir le son. Par exemple j’ai découvert Flying Lotus il n’y a pas longtemps, je trouve ça fantastique ce qu’il fait. Ces petits morceaux, ces petites saynètes, c’est fascinant, ça me donne envie de tenter ça aussi. Pourquoi pas s’ouvrir à autre chose, j’adore le free jazz par exemple. Quand j’ai commencé à faire de la musique, j’ai quasi arrêté d’en écouter. J’enregistrais beaucoup. Je m’y suis remis pas mal avant la sortie de Only The Sun…, tout était prêt, j’ai eu du temps. Ça m’a redonné envie d’aller vers de nouvelles directions. Mais ce dernier LP en date, oui c’est clairement mon plus abouti. Il correspond vraiment au postulat de base que j’avais, travailler sur un disque compact, comme je te disais tout à l’heure.

Je voudrais qu’on s’attarde un peu sur le live, un élément essentiel pour tous les musiciens. Beaucoup voient leur musique d’abord comme du live, avant d’aller en studio. Pour toi, le live, ça reste un exercice avec lequel tu es le moins à l’aise, je pense. Tu te sens obligé de le faire ou tu en tires une forme de plaisir tout de même ?

Je ne suis pas quelqu’un d’hyper expressif, globalement. Je vois le live un peu comme une obligation, oui. Mais je ne veux pas juste être le mec qui met de la musique sur le web, non plus. Du coup c’était un peu l’objectif de base avec Cankun, de sortir de ça, d’exister réellement. Le live te donne une crédibilité assez importante. Je n’ai pas énormément tourné, même si j’ai un peu joué à différents endroits. Il y a des lieux dans lesquels je me suis vraiment éclaté, sincèrement. Mais je trouve qu’en live, les limites techniques ressortent énormément, en tout cas pour moi. Et ça ne me passionne pas des masses, je ne suis pas vraiment à l’aise. Le fait de jouer seul accentue ça pas mal.

J’imagine que tu as déjà réfléchi au fait d’incorporer quelqu’un dans une mini-formation à deux, par exemple ?

Oui j’y ai réfléchi mais c’est compliqué aujourd’hui. L’adrénaline que certains ont en finissant un live, moi je l’ai en complétant un morceau, tu vois. Si on était deux, je pourrais peut-être un peu plus me lâcher. Mais je ne sais pas vraiment comment prendre le sujet. Je n’ai pas d’autres dates prévues pour le moment, je n’en cherche pas d’autres particulièrement. J’accepte quand j’ai des opportunités intéressantes mais pas davantage, pour le moment. Et la répétition de jouer toujours les mêmes trucs en live, ça ne me plaît pas. Jouer live, je le ressens un peu comme aller au taf, tu vois, refaire les mêmes choses. Avec Seb Forrester et Robedoor, on avait joué à Milan dans un endroit exceptionnel, ça s’était super bien passé, c’était un très bon moment. Mais c’est rare. De toute façon, c’est dur de se refaire à 35 ans (rires). Et puis il y a des musiques plus faciles à jouer en live, mes impros complexes sur Only The Sun…, c’est un challenge pour moi de les exprimer sur scène. J’essaie de faire le maximum pour ne pas me mettre derrière un ordinateur et appuyer sur des boutons, ça ne me parle pas.

Comment tu construis tes morceaux en live ? Tu le fais par couche progressivement, c’est ça ?

C’est le système que j’avais sur les anciens morceaux, oui, que je n’ai plus trop maintenant. Les morceaux d’Only The Sun Is Full Of Golf, aujourd’hui, sont quasi injouables sur scène. Il y a trop d’éléments. Parfois sur une seule partie, j’ai 3-4 lignes de guitare. Si je gardais le même système en live, un morceau me prendrait peut-être une heure à se faire (rires). Même à deux, ce serait compliqué. Il faudrait que quelqu’un s’occupe de la rythmique, un clavier, moi à la guitare etc. Ce serait trop complexe, surtout au vu des niveaux de rémunération dans lesquelles je suis aujourd’hui.

Tu as fait quelques splits / collaborations par le passé. Tu es plutôt sur le solo aujourd’hui mais est-ce que tu aurais des envies d’ouvrir ça à d’autres musiciens, confronter ta musique à d’autres projets ?

Oui, ce sont des réflexions qui reviennent un petit peu ces temps-ci. Je suis assez proche de certaines personnes qui gravitent autour de Bruno de Ruralfaune. On collabore sur quelques petites tentatives, des choses qui ne sont jamais perdues. Mais il y a pas longtemps je me suis dit que ce serait cool. Revenir vers un peu d’ambient, sur des projets collaboratifs, ça pourrait être une solution, ça me motive bien, oui. Je fais un peu tout tout seul dans Cankun, hormis lemastering. Même le mix je le fais seul. Je pense que je suis un peu arrivé à la limite de ça, aussi. Je me remets en question sur tous ces items là, sur ce que j’ai envie de faire, dans quelles conditions… J’ai envie de repartir d’une feuille blanche et de retrouver un nouvel élan dans le projet. Disons que je suis un peu dans une vision négative, là, même avec la sortie du disque. Je sors juste d’une période compliquée pour ce nouvel album, il n’est pas encore complètement extérieur à moi, du coup je traîne ces questions et ces interrogations que j’ai eues pendant sa réalisation. Je sens que j’ai besoin d’un nouveau souffle, qui doit venir de moi. Récemment, je me suis retrouvé dans une vieille vidéo de Dominique A sur VHS, tirée d’un vieux disque de la fin des 90’s, Remué. Le mec est un peu paumé, ça m’a pas mal parlé (rires). Mais ça me reconnecte avec ce qui est important pour moi : l’humain et l’échange, notamment celui que j’ai avec Britt ou Morgan. S’ils n’avaient pas aimé, je ne l’aurais jamais sorti, c’est important d’avoir ce genre de soutien. A ce moment là, je me suis dis que j’étais dans le vrai. Sortir ça tout seul, ça n’aurait pas eu d’intérêt. Le partage via la musique, c’est clairement galvaudé aujourd’hui, mais c’est l’essentiel pour moi. Ça me permet de rencontrer un tas de gens, de venir vous voir et de discuter, même si venir à Paris, pour moi, ça n’est pas vraiment la folie (rires).

Audio

Tracklist

Cankun – Only The Sun Is Ful Of Gold (Hands In The Dark, 4 mai 2015)

01. System
02. Cuts
03. Words
04. Moyit
05. Tyreu
06. Sytern

Écrit par: Dom Tr

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