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Candidate interview + Mixtape

today05/06/2013 277

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Candidate_de_Jacky_VitaliPour ceux qui aiment digger, retourner YouTube comme un bac de disques infini pour dénicher la perle rare, la plateforme de streaming est une boite de Pandore et un lieu de partage et d’échange… C’est grâce à un ami qui a posté sur Facebook les vidéos de Candidate que je découvre ce duo nancéen qui n’a sorti qu’un LP, Side by Side, en 1987. Candidate, tout comme Kas Product ou Oto, est un pur produit de l’air cold-wave dont les membres ont en plus en commun d’être tous nés à Nancy. En tombant sous le charme d’une interview datant de 1986 de ce jeune duo décontract et moderne, je découvre Bidou, celui qui « bidouille » ses synthés derrière ses lunettes noires, pas très bavard, et Cécile, beauté froide au chant habité, plus encline à répondre aux questions du journaliste de la télé locale de Nancy qui les avait suivis en Pologne pour le festival de jazz dans lequel ils étaient programmés. J’ai donc contacté Cécile dans la partie commentaire de la vidéo, qui m’apprendra que la centrale de Tchernobyl explosait au moment où elle répondait aux questions du journaliste… Vingt-sept ans plus tard, elle revient pour nous sur ses souvenirs de Candidate.

Sur ton compte YouTube Cecile C., tu viens de partager des documents exceptionnels où l’on te voit avec Bidou, l’autre moitié de Candidate, dans des reportages et des clips réalisés par les télévisons locales de Nancy et Besançon. Qu’est-ce qui t’as amenée à mettre en ligne ces vidéos ?

La Mèche, bassiste de Dick Tracy et de Wroomble Experience, est venue me voir avec La Nie, chanteuse-auteure de Gangrène, à Berlin en mars dernier, pour la première fois depuis mon départ en 1990. Et ça a fait BOOM ! On est restées collées toutes les trois ensemble pendant cinq jours… Faut dire, il faisait tellement froid à cause de cet hiver à rallonge !
Joël Defranoux, copain vidéaste de Nancy, avait déjà fait en 2005 un transfert des vieilles vidéos que Bidou avait gardées dans un vieux coffre à jouets. Mais tout était collé bout à bout sans vraiment de montage. En fait, je ne lui en avais pas demandé plus et j’étais déjà contente d’avoir un transfert numérique avant que les vidéos ne disparaissent complètement. Puis La Mèche, qui est un « Premier-Couteau », a taillé dans le gras et mis un bon coup de plumeau. Et puis hop, j’ai mis en ligne ces archives.

On vous sent très excités par ce concert en Pologne, le public a l’air de bien réagir pour un festival de jazz… La vidéo tournée par la télévision est très sympa aussi, on sent que le journaliste et son caméraman se sont amusés avec vous pendant une journée. On ne voit plus ça aujourd’hui à la télé malheureusement. Quel souvenir gardes-tu de ce moment ?

D’aller dans un pays du bloc communiste en 1986 était quelque chose d’exceptionel. Nous avons passé des heures aux frontières est-allemande et polonaise. Le matos de l’équipe télé et le nôtre ont été fouillés avec zèle. Nous avons joué dans un théâtre de 2000 places bondé à Wroclaw, ville universitaire polonaise, et nous avons été ovationnés malgré la qualité moyenne de notre prestation due aux mauvais retours sur scène. De se retrouver dans un décor de film d’espionage des années 60 qui pourtant était la réalité de tous ces gens était sidérant. Notre interprète, Magéna, nous a raconté en détail ce qu’était son quotidien et nous a baladé dans les coins les plus underground de la ville… Inespéré pour nous ! C’est pourquoi on a un peu fait l’impasse sur la programmation du festival…
Il y a eu un âge d’or de la télé régionale vers 1984-1986 qui s’ouvrait aux groupes locaux à Nancy, Strasbourg, mais surtout à Besançon et relayé par l’émission Décibel sur FR3 nationale. Avec le changement de gouvernement en mars 1986, le budget des télés régionales s’est réduit comme une peau de chagrin et surtout une campagne gouvernementale contre la chanson anglophone nous a mis pas mal de bâtons dans les roues tout comme pour nos copains du groupe Oto.

D’ailleurs tous les clips que tu as postés ont été enregistrés dans des studios de télé de l’est. Étaient-ils diffusés à l’antenne ?

Oui, bien sûr ! Ce qui est marrant, c’est que pour On the Ice notre single autoproduit et distribué par Dum Dum Records, on a eu 4 clips différents. Chaque télé qui nous a invités voulait ses propres images. Donc à chaque fois, nouveau clip ! À Besançon, ça a été plus loin car ils nous ont proposé un mini-concert live avec public dans leur studio. Pour le clip le plus élaboré, nous avons eu la complète direction artistique dans le cadre d’un petit budget, il a été tourné en une journée et puis je suis revenue pour le montage. C’était incroyable, l’ouverture d’esprit et la gentillesse des gens de FR3 Besançon ! Ils ont complètement adhéré à notre vision. À cette époque, les télés régionales n’avaient pas dans leur cahier des charges l’obligation de faire de l’artistique mais avec nous, ils s’en sont donné à cœur joie !
Ça n’a pas duré longtemps et quand nous avons sorti le LP Side by Side en 1987, toute cette énergie, ces réseaux, les fanzines, les radios locales avaient, avec le changement politique, complètement disparu ou s’était transformés en sociétés commerciales… Ça s’est passé tellement vite ! On n’a rien vu venir, notre label non plus. Les Oto et même les Kas ont été touchés. La FNAC, qui avait une politique de distribution des groupes locaux, ne réapprovisionnait plus les stocks… Pourtant la distribution était notre promotion principale… On a tout de même fait de grandes tournées mais c’était plus pareil. Tout le monde ne s’intéressait plus qu’au matériel…

Quels sont tes meilleurs souvenirs avec Candidate, de tournées, de concerts ou de rencontres ?

– Le plus rigolo : un concert à Strasbourg où sur un set de 15 titres, on a réussi à jouer un seul morceau en entier, le reste s’est transformé en hystérie entre le public et nous… On a fini au petit matin avec nos potes et nos fans à faire la route des vins en Alsace… Boire et conduire, aïe !

– Le plus prestigieux est ma rencontre avec Phil Manzanera de Roxy Music en 1991, qui était prêt à sortir notre deuxième album si nous avions un distributeur en France… Sans rire, les gens ne savaient pas qui était Manzanera en France à cette époque !

– Le plus cool est notre rencontre avec le bassiste de Tuxedomoon, Peter Principle. Nous aurions vraiment souhaité signer avec Crammed Disc à Bruxelles après la dissolution de notre contrat avec Dum Dum Records. Je l’ai revu à Berlin en 1995. Il adorait On the Ice !

– Le plus dur, c’était la tournée avec les Marc Seberg en 1987 et 1988. Des gens sympas mais leur tourneur, un personnage infect. Nous avons beaucoup appris pendant cette tournée mais pas toujours des trucs cool.

– La plus décisive et plus mortelle pour Candidate a été notre rencontre avec les Sprung Aus Den Wolken de Berlin qui m’ont fait déménager outre-Rhin en 1990 et signer par conséquent la mort du groupe Candidate.

– Et pour finir, un souvenir concernant tous les labels qui nous ont accompagnés même si c’était extrèmement houleux… Le manque de moyen étant souvent la source des conflits. Tous les fanzines qui foisonnaient depuis le début des annés 80 jusqu’à 1986-1987 environ, les radios locales avant qu’elles ne deviennent commerciales, les petits clubs qui fleurissaient comme du chiendent truffés de gens impliqués et fous de zic. Et bien sûr FR3 nationale, FR3 Lorraine-Champagne-Ardenne, FR3 Nancy, FR3 Strasbourg et FR3 Besançon !

Lorsque vous évoquez la ville de Nancy dont vous venez avec Ségolène, la journaliste de la TV locale, on sent que vous rêvez de vous enfuir… C’était difficile à ce point de faire de la musique dans cette ville ? L’avez vous finalement quittée ?

Nancy était à cette époque dans le creux de la vague avec la fermeture de sites métallurgiques dans la région et les crises successives. L’énergie estudiantine des années 70 s’essouflait. Nous nous sommes retrouvés, la nouvelle génération post-punk, avec notre niaque sans aucun os à ronger. Pas de club, ni de salle de concerts. Pas de local de répète. Une politique très conservatrice et policière (merci Pasqua !). Donc on s’est retrouvé à squatter des vieux lounges d’hôtels pas du tout in à l’époque, les restos à couscous, les fêtes sauvages dans la forêt du coin et les multiples jeux du chat et de la souris avec nos « potes » de la police. Avec les filles, ça nous arrivait d’aller chercher nos copains le matin au « petit hôtel des païs » avec thermos de café et croissants. Donc, plus on nous fermait nos lieux, plus on devenait enragés et créatifs. Pour finir, beaucoup sont partis à Paris. Bidou est resté à Nancy et moi je suis allée à Berlin.

Aujourd’hui tu vis à Berlin. Qu’est-ce qui t’attires là-bas dans le milieu artistique ?

Pas grand chose à part le choix culturel qui n’a rien à envier à Paris. Mais ce qui m’attire le plus à Berlin, c’est le sentiment de liberté, et ça depuis vingt-deux ans ! On peut vivre encore (!) sans courir après l’argent pour payer ses factures… Il y a une sorte de nonchalence… En revanche cette sympatique coolitude peut se retourner contre toi si tu espères monter quelque chose… Il y a une inertie qui peut agacer !

Il y a eu aussi depuis les années 2000 un grand déménagement du secteur média venu de toute l’Allemagne vers Berlin avec Sony, Universal, MTV, 02 World et autres Delikatessen…

La cold-wave redevient très populaire aujourd’hui, on ne compte plus le nombre de groupes et de labels qui surfent sur ce revival. Il faut avouer que cette musique minimaliste à base de synthétiseurs et de mélodie punk à su traverser les années. Que représente pour toi ce genre musical ancré dans les années 80 ? Es-tu surprise par sa longévité ?

Les premiers sons électroniques, je les ai entendus grâce à Maurice Béjart et Messe Pour Le Temps Présent de Pierre Henry. C’était extrêmement excitant, surtout à 6 ans…Pop Corn, une kitscherie joyeuse… Et puis Terry Riley, Kraftwerk : l’électronique était dans le mainstream… Mais mon coup de foudre, ça a été Devo. Là, je me suis dit que c’était ma musique et que je pouvais aussi en faire. J’ai commencé la batterie à 14 ans et puis à chanter. On a fait un titre avec mon frére et un Korg MS10… Il a fallu encore attendre quatre ans pour créer Candidate avec Bidou. Pour moi, la musique électronique, c’était la modernité pure… J’exécrais le revival jazz manouche des Négresses Vertes et la bouillabaisse garage des Mano Negra… trop passéïste !
Et oui, je suis surprise par la longévité de ce style que j’ai pourtant vu mourir et qui a signé la fin de beaucoup de groupes parmi mes amis… Alors que cela soit de nouveau populaire est très étrange pour moi… C’est comme s’il n’y avait plus rien à découvrir dans la musique à part des nouveaux crossovers ou des nouveaux sons, mais quand tu lis l’article de Manœuvre dans Rock & Folk sur le dernier Daft Punk, c’est tellement nostalgique, c’est fou ! Aurait-on déjà fait le tour du monde rock’n’roll ?

Des labels comme Dark Entries ou Minimal Wave se sont spécialisés dans la réédition des disques de groupes devenus cultes, souvent introuvables et réservés aux collectionneurs prêts à acquérir ces trésors contre des centaines d’euros parfois. Comme moi, aimerais-tu voir Side by Side réédité ?

Hier, des gens d’Athène m’ont contactée pour le rééditer. Si la musique nous appartient, je crois que les bandes sont la propriété de notre producteur de l’époque Christian Vincent de Dum Dum Records. C’est à lui qu’il faut demander. Moi je serais partante. Bidou aussi.

En 2005, tu as sorti Vote Don’t Vote, un album comprenant des enregistrements inédits de Candidate. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour rendre public ces morceaux ?

À cause de la technologie, tout simplement ! De sortir un CD en 2005 était à la porté de tout le monde ou presque… Mais un vinyle en 1987, c’était une sacrée histoire ! C’est mon ami Robin Pleil qui a remasterisé toutes les vieilles bandes et m’a incitée à ne pas laisser moisir tous ces titres dans le fond d’un tiroir.

Comment Candidate s’est dissolu ?

C’est mon déménagement à Berlin en 1990 qui a provoqué un an plus tard la dissolution du groupe après avoir fait, toutefois, la bande-son d’une pièce de théâtre, Scalp d’OZ. Mais c’est aussi qu’en France, plus personne n’était intéressé par ce type de musique. Bidou a créé Rythmic Republic qui s’est orienté complètement vers la techno. Moi, j’ai rencontré le batteur avant-garde/free-jazz Peter Hollinger et on a fait un duo, « dance floor minimal sans machine » pendant cinq ans. Nous nous inspirions de la house et de la drum’n’bass mais sans ordi, ni d’électronique, juste voix et batterie… et les gens aimaient ! J’ai eu encore quelques formations jusqu’en 2000… Après, quelques projets éclectiques et puis pfffuit !

Mixtape

1. Arto / Neto – Pini Pini
2. Mouse On Mars – Alien Animals
3. Matmos – Mental Radio
4. Double Nelson – Let’s get drunk
5. Mani Neumeier & Peter Hollinger – Batukau Vibes
6. Devo – Shrivel Up
7. Geins’’t Naït – sans titre
8. Sprung Aus Den Wolken – Pas attendre
9. Oto – Five Five
10. Candidate – Like a Beast
11. Dick Tracy – Slim Bretzel
12. The B-52’s – Quiche Lorraine
13. Lene Lovich – Lucky Number
14. Nitzer ebb – Murderous
15. Cheveu – Quattro Stagioni
16. Moon Duo – Sleepwalker
17. Papir – Sunday #1

Écrit par: David

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