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Arcade Fire – The Suburbs

today04/09/2010 84

Arrière-plan
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arcade-fire-pochetteIl est des disques dont on a l’impression que le monde entier les attend littéralement comme le messie, se perdant en supputations et conjectures vaseuses des mois avant leur sortie, traquant la toile à la recherche du moindre indice et guettant l’annonce d’un concert comme un vautour surveille un agneau, de loin, l’air désabusé, mais prêt à foncer dessus à corps perdu au premier signe de faiblesse.
Imperméable à l’hystérie ambiante, Arcade Fire n’ayant jamais vraiment compté parmi mes groupes préférés, je me suis quand même prise à essayer d’imaginer ce à quoi allait bien pouvoir ressembler le troisième album des Canadiens dès la divulgation de son titre. The Suburbs… Un intitulé ô combien évocateur qui réveillait dans mon esprit des fantômes bien plus anciens que ceux de Win Butler et de ses camarades. J’imaginais déjà un remplaçant plus moderne au Theme for a Drive Through Suburbia (1980-82), composé par Glenn Branca à la demande de l’artiste Dan Graham pour illustrer dans l’une de ses vidéos les longs travellings dégoulinant le long d’alignements sans fin de pavillons dans une quelconque banlieue américaine. Cette « nausée pastorale« , qui devait donner « l’impression de traverser la banlieue en voiture familiale, le week end« , constituait la symphonie urbaine parfaite, aussi étouffante que l’ennui qui s’abat comme une chape de plomb sur le spectateur au fur et à mesure que les maisons défilent à l’écran, toutes strictement identiques, habitations-témoins de familles modèles dont l’existence n’est qu’un interminable et monotone recommencement. J’attendais d’Arcade Fire un éloge de l’ennui, terre fertile pour les musiciens de tout temps.
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Les premières notes de l’album ont résonné dans ma tête comme un parpaing, leur gaieté enjouée abattant d’un coup tous les espoirs que j’avais placés en Arcade Fire. Si le premier morceau éponyme est loin d’être le plus mauvais de l’opus, sa mélodie presque trop guillerette dépare son titre de toute la portée dramatique qu’on lui avait attribuée. La banlieue, ce n’est pas ce piano qui fait dodeliner les têtes, ce n’est pas l’espoir de s’en sortir. Et le fait de répéter l’heureux mot « bored » dans à peu près tous les morceaux ne rattrape pas vraiment les paroles superficielles, qui consistent en des interrogations de trentenaire en pleine crise identitaire, se demandant si le temps est venu d’avoir un enfant et de s’acheter un Renault Espace. Si elles sont moins lyriques que celles des deux précédents albums, on ne peut cependant leur reprocher leur cohérence qui, du début à la fin, aborde de façon plus ou moins délicate le mal-être de ce pauvre Butler. Moins baroque et prétentieux que ses prédécesseurs, The Suburbs est aussi plus chiant et long, long, long comme un trajet en nationale sous la pluie ; les titres défilent dans l’indifférence générale, comme ces patelins glauques et désertés où les seules âmes qui vivent son réfugiées au resto routier. Une des seules éclaircies de l’album reste ce Month Of May presque punk – voilà une musique qui savait parler de la banlieue – qui nous sauve à peine de l’engourdissement qui a fini par nous gagner. Malgré leur sens certain de la mélodie et de l’atmosphère et la voix toujours aussi extraordinaire de l’ami Winnie, les morceaux manquent de relief et la plupart finissent par sombrer dans la mollesse la plus totale – puis, inévitablement, dans l’oubli.
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Finalement, Arcade Fire a peut-être réussi le pari d’être aussi chiant que le quotidien au ralenti d’une banlieue pavillonnaire – mais on doute que ç’ait été volontaire. The Suburbs possède un peu le même pouvoir abrutissant qu’une télé toujours allumée mais que personne ne regarde ; de la part de l’un des groupes les plus intéressants des années 00, on aurait pu s’attendre à un travail autour du vide, de la conformité et de l’ennui plus intéressant qu’un album à placer entre la musique d’ascenseur et le bruit de fond. C’est raté. Suggestion de bande-son pour votre prochaine traversée des faubourgs : Glenn Branca, Patti Smith et le MC5.

Audio

Arcade Fire – Month Of May

Vidéo


Vidéo du concert au Madison Square Garden de New-York le 5 août 2010, réalisée par l’ex-Monty Python Terry Gilliam.

Tracklist

Arcade Fire – The Suburbs (Merge Records,  2010)

1. The Suburbs
2. Ready To Start
3. Modern Man
4. Rococo
5. Empty Room
6. City With No Children
7. Half Light I
8. Half Light II (No Celebration)
9. Suburban War
10. Month Of May
11. Wasted Hours
12. Deep Blue
13. We Used To Wait
14. Sprawl I (Flatland)
15. Sprawl II (Mountains Beyond Mountains)
16. The Suburbs (Continued)

Écrit par: Emeline Ancel-Pirouelle

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